samedi 30 mai 2009

No pasaron

La nouvelle a vaguement fait le tour des news hier: le Comité d'arbitrage de la Wikipédia anglophone a donc décidé, dans une décision-fleuve et à l'issue de 170 jours de discussions, de bloquer toutes les adresses IP affiliées à l'Église de Scientologie. Un cas intéressant, qui aura probablement des répercussions sur la manière dont le POV-pushing et l'entrisme seront traités à l'avenir au moins sur certains projets: Wikipédia perd ici officiellement un peu de sa candeur 2.0 et, face à une attaque réelle du monde réel, réagit de manière... réaliste.

Les faits:
  • Le présent conflit s'est étendu sur deux ans et près de 430 articles liés (+pages de maintenance);
  • Il s'agit de la quatrième décision visant la Scientologie (après 2005, 2006 et 2007);
  • Parmi la vingtaine (!) de protagonistes (et douzaine de faux-nez) impliqués dans les divers conflits, on trouve partisans et opposants à la secte;
  • Les articles les plus touchés auront été les biographies, chaque partie visant apparemment à décrédibiliser l'"adversaire" (une tactique bien connue de la part de la Sciento appelée fair game);
  • Le problème essentiel aura par ricochet concerné la dégradation substantielle de l'ambiance: impossible pour qui que ce soit d'éditer sans être pris à partie, le soupçon étant devenu généralisé.
La décision:
L'ArbCom a eu la main lourde, et on peut le comprendre: s'il y a une conclusion qu'il semble avoir tiré de tout cela, c'est que croire à la bonne foi a ses limites et qu'on n'a plus à discuter avec un agenda. Des articles sur la Scientologie, oui. Des articles pour ou contre celle-ci, non.

Outre le blocage systématique de toutes les IP utilisées par les Scientologistes, le désysopage d'un administateur (qui avait déjà démissionné de toute façon), et les multiples bannissements ou restrictions d'édition, une décision que je trouve marquante concerne le pouvoir discrétionnaire donné aux admins: désormais, tous ceux n'ayant pas été impliqués dans le conflit (soit l'immense majorité) peuvent tirer à vue et bloquer/interdire de modifications sur le sujet après un seul avertissement et sans autre forme de discussion toute personne suspectée d'attenter à la neutralité des articles. Finis les bons sentiments, fini le doute et les demandes multiples de check-user: la mauvaise foi et le biais seront rectifiés à coups de balais sur la tête.

En résumé:
L'Arbcom a marqué son territoire et l'importance que sa légitimité lui confère en indiquant aux admins que faire la police dans leur coin n'est pas suffisant en face d'une stratégie coordonnée: ceux-ci seront (ou ont été) poussés à la faute, générant des conflits internes et n'aidant au final pas tant que ça au maintien du niveau. Individuellement, ceux-ci n'auront jamais l'autorité ou la crédibilité suffisantes pour imposer le calme sur un grand nombre d'articles liés au même sujet (on vient toujours à prendre parti, comme ce cas le montre). Le Comité fournit donc ici les éléments d'une réponse globale et coordonnée au niveau wikipédien: action locale et rapide = admins, problème global sur la durée = Arbcom.

Une chose intéressante à noter est que les conflits sur de nombreux articles liés à la Scientologie auront globalement augmenté le niveau de ces derniers, tout simplement parce que chaque partie aura du apporter des sources crédibles pour soutenir ses assertions. Adieu les communiqués d'associations, bonjour les vrais livres et articles de presse. La solution à un désaccord passe par des sources sérieuses. Dès lors, le domaine essentiellement resté en plan (et en conflit) aura été celui des biographies de personnes vivantes, notoirement difficiles à sourcer.

Dernier point: le bannissement pur et simple ne semble pas une pratique essentielle chez les anglophones et c'est en fait assez malin - quelqu'un poussant son point de vue tout en arguant de sa bonne foi collaborative et wikipédienne n'aura, face à une interdiction de contribuer sur un sujet, que deux choix: continuer à contribuer de manière collaborative et wikipédienne... ou partir de lui-même (ou lever le masque, essayer de passer ses idées en douce, se faire attraper et être éjecté).

jeudi 28 mai 2009

Wikipédia et le Dictionnaire historique de la Suisse

Si on en croit certaines personnes, non seulement Wikipédia serait l'antithèse d'une "vraie" encyclopédie, mais surtout, les rédacteurs qualifiés d'une telle encyclopédie, les intellectuels, les vrais, n'auraient1 (au mieux) que du mépris pour la communauté Wikipédienne.

Pour savoir si c'est vrai, la seule chose à faire est de se jeter dans la gueule du loup — c'est ainsi qu'un groupe de membres de l'association Wikimédia CH a été rencontrer la rédaction du Dictionnaire Historique de la Suisse dans ses locaux à Berne. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que nous avons été bien accueillis — ils ne nous ont pas jeté de pierres, ni repoussés à coups de gousses d'ail ou d'eau bénite, mais au contraire nous ont permis d'avoir de très intéressantes discussions (sans même mentionner l'apéritif).

Tout le monde aura déjà vu le petit résumé de cette rencontre sur Wikinews, mais grâce à l'hospitalité de Popo, c'est l'occasion idéale de faire mon premier billet avec quelques commentaires supplémentaires...

Comment ces historiens professionnels voient-ils donc Wikipédia ? Et bien, plutôt d'un bon oeil. Bien entendu, le modèle choisi par le DHS n'est pas le même que celui de Wikipédia, et la rédaction centrale du DHS tient à garder le dernier mot sur le travail des auteurs, mais ça cela ne signifie pas que les rédacteurs soient anti-wikipédia. Au contraire !

Ce ne sera une surprise pour personne que d'apprendre que les rédacteurs du DHS utilisent volontiers Wikipédia, qui a de la valeur pour leur travail: en utilisateurs avertis, ils ne l'utilisent pas comme source principale pour rédiger leurs articles, mais pour des questions annexes ou pour vérifier la cohérence de certaines informations. Peut-être plus surprenant, nous avons également déniché parmi les rédacteurs un contributeur occasionnel sur Wikipédia2 !

S'il y a une partie de concurrence entre WP et le DHS, les deux organismes vivent avant tout en symbiose. Du côté du DHS, c'est 20% du trafic sur leur site web qui provient d'un lien cliqué sur une page Wikipédia, et un tiers des articles du DHS sont liés depuis la Wikipédia germanophone. On n'en est pas là sur Wikipédia FR, mais on va faire chauffer un peu le modèle DHS (qui est lié environ 500 fois pour l'instant). Du côté WP, l'avantage d'avoir accès à toute l'information du DHS sur internet sans passer par une bibliothèque est évident.

Quid de la qualité ? En général, les articles du DHS sont meilleurs que ceux que Wikipédia. Pas de surprise: le DHS a démarré il y a plus de vingt ans, avec un budget total prévu de 80 à 100 millions de francs suisses, et travaille avec 40 employés fixes et des milliers d'auteurs spécialistes mandatés (et rétribués) pour ce projet. Si Wikipédia arrivait à faire mieux, ça fait longtemps que des têtes seraient tombées à la rédaction !

Néanmoins, le rédacteur en chef reste admiratif devant certains articles de Wikipédia, clairement meilleurs que leur équivalent du DHS: typiquement, des articles qui ont du être tronqués pour rentrer dans la place disponible sur le DHS imprimé, mais qui peuvent être développés plus longuement dans Wikipédia. Mais il arrive aussi, dans certains cas, que les auteurs mandatés fassent du mauvais travail (détecté par la rédaction) — voire même plagient carrément d'autres sources, dont Wikipédia !

Justement, le plagiat était une question que nous voulions (en tout cas moi) absolument aborder avec la rédaction: d'abord, pour les assurer que la communauté Wikipédienne cherche activement à se débarasser des plagiats, et ensuite leur donner des personnes qu'ils peuvent contacter directement en cas de problème. Finalement, ce n'était pas nécessaire, car ils étaient déjà convaincus. Non pas que le plagiat ne soit pas un problème pour eux, au contraire: les textes du DHS se retrouvent plagiés à d'innombrables endroits, dans des journaux, ou dans d'autres encyclopédies³ (!) ou les publications de collectivités publiques. Mais, en comparaison, Wikipédia est au dessus de la mêlée, et les rédacteurs restent impressionés par la vitesse à laquelle les plagiats sont découverts et éliminés.

Au-delà des discussions, nous avons eu le plaisir d'offrir à la rédaction du DHS deux copies du livre de Florence et Guillaume, mais ne sommes pas partis les mains vides, puisqu'en plus des quelques photos que nous avons pu prendre dans leurs locaux, la rédaction a accepté de nous fournir quelques images très intéressantes (couvertures et extraits de pages de la version imprimée du DHS) sous licence libre. Ces images ornent maintenant l'article sur le DHS de la Wikipédia francophone — un article qui a bénéficié de cette visite, puisqu'il est passé d'une courte ébauche à une qualité proche d'un bon article ces dernières semaines !

Pour le futur, le DHS, et plus particulièrement l'eDHS, sa version électronique, va devoir réfléchir à son évolution. L'un des axes étudiés est l'idée de s'ouvrir un peu à la collaboration, en permettant à d'autres entités (universités, archives d'état, etc) d'éditer directement les articles (la rédaction gardant le dernier mot). Nous nous sommes proposés pour rester en contact et participer à la discussion, pouvant amener notre expérience du travail collaboratif. Et ce ne sont pas les autres idées de collaboration qui manquent...

Voila, un résumé déjà bien long mais qui ne couvre néanmoins qu'une partie de tout ce qui a été discuté pendant cette après-midi. Les autres participants auront sûrement d'autres points qui les ont marqués qu'ils n'hésiteront pas à ajouter en commentaires.

1. Promis Guillaume, il n'y aura pas d'autre conditionnel dans cette note !
2. Non, nous ne dénoncerons ni son nom, ni son pseudo !
3. De nouveau, j'ai des noms, mais ne balancerai pas.
4. Non, nous n'avons pas reçu deux volumes du dictionnaire en échange à 300 CHF le volume, on peut toujours rêver...

dimanche 24 mai 2009

Les cordonniers etc. etc.

Une des demi-surprises de mon intervention de lundi dernier était que les gens ne sont vraiment pas très au fait de ces histoires de licence GFDL et/ou Creative Commons. C'est normal, celles-ci sont finalement assez contre-intuitives par rapport au copyright usuel: la seule chose que j'en retire et m'aventure à expliquer est que la libre circulation de l'oeuvre visée est, par défaut, acquise (d'où parfois le terme Copyleft).

Il est par contre beaucoup plus surprenant de constater que Maffemonde, qui a contribué à Wikipédia passablement longtemps avant sa mise au ban en soit venue 1) à prendre langue avec un avocat1 pour qu'il demande le retrait des textes qu'elle aurait commis et 2) à oublier de signaler à celui-ci le fonctionnement de Wikipédia - comme par exemple le rôle des admins ou la localisation des serveurs wikimédiens (en Floride).

S'en est suivi un courrier envoyé à Jean-no2 et, apparemment, Wikimedia France. La réponse de Jean-no est aussi simple que juste (et polie), je vous laisse la consulter dans votre coin: en substance, il signale à Me Lebatard que, licence GFDL ou pas, celui-ci vient de pisser dans un violon.

J'ajouterai simplement que pour un avocat spécialisé dans le droit d'auteur, ça fait probablement un peu cher de la boulette (à vue de nez 2h de timesheet, compter 150 à 350€/heure + débours usuels et TVA).

Pour la partie wikipédienne, je trouve que c'est ici un argument de poids en faveur de la protection immédiate des pages de discussion une fois qu'un blocage long est décidé à l'encontre d'une personne. Toutes les discussions qui ont suivi la première semaine de janvier n'auront, au final, servit à rien, sinon à renforcer les incompréhension et les antagonismes, il me semble pour ce même résultat.


1. Dont le nom, pour un avocat, m'amuse beaucoup.
2. D'où l'intérêt de ne pas contribuer sous sa vraie identité: on n'est pas soumis aux lubies procédurières des gens.

mardi 19 mai 2009

Juste un lundi

Si on m'avait annoncé dimanche matin qu'avant lundi soir j'aurais présenté Wikipédia lors d'une conférence de l'ONU, j'aurais bien ri. 

D'un autre côté, s'il y a quelqu'un qui pense qu'on peut vraiment faire des trucs bizarres avec Wikipédia, c'est bien votre serviteur. 

..et la foule est en délire!

dimanche 17 mai 2009

A l'insu de mon plein gré

Si on m'avait annoncé vendredi matin qu'avant la fin de la journée je me serais lancé dans un arbitrage contre un gars que je connais à peine, j'aurais bien ri. D'un autre côté, s'il y a quelqu'un qui pense qu'on voit vraiment des trucs et des gens bizarres sur Wikipédia, c'est bien votre serviteur.

J'ai pendant toute une période été convaincu qu'un jour on viendrait surtout m'en coller un sur le dos, d'arbitrage. Le plus proche a probablement été lorsque TigH est sorti du bois juste après mon élection en tant que bureaucrate, ne serait-ce que parce qu'il me semble lui avoir suggéré de le faire. Mais l'impression était déjà là avant, et encore pendant quelques temps après. Les admins (et donc moi) continueront à faire des erreurs, alors que le projet devient pour sa part chaque jour plus structuré... et plus procédurier. Ce n'est pas une critique mais un constat: le monde réel est voué à nous rattraper, ce qui en soi n'est pas forcément une mauvaise chose. Il faut juste savoir négocier l'accrochage des wagons.

Bref.

Popo le Chien contre Doremifasol (un intitulé comme on en trouve peu) est lancé, et ça n'est pas plus mal. Le fâcheux n'a visiblement depuis son arrivée montré aucun intérêt pour la chose wikipédienne, autre que la possibilité qu'elle lui offre de redresser des torts et promouvoir son association. Mais pourquoi moi? Objectivement, je l'ignore: probablement l'envie de faire bouger les choses, en voyant que la demande de bannissement lancée par Ludo sur le bulletin des admins n'allait probablement mener à rien (2 pour, 2 contre et 2 intermédiaires au moment où je me suis décidé). En la lisant, je me suis dit qu'on était partis pour ne rien décider1. La décision de me jeter à l'eau doit toutefois aussi beaucoup au timing: vendredi après-midi je revenais tout juste de déplacement et n'avais donc pas grand chose d'autre à faire que compiler des notes de frais (pas la chose la plus excitante qui soit, et pourtant y'en avait pour cher). Popo, qui n'est qu'un homme, lance donc des arbitrages autant pour aider les copains et faire respecter le bon droit que parce qu'il s'ennuie au boulot. Et aussi parce qu'il est curieux.

Oui, car c'est bien beau d'ergoter épisodiquement sur le besoin de réformer le Comité d'Arbitrage, mais je me sentais quand même un peu dans le rôle du journaliste de l'Équipe expliquant à Domenech comment sélectionner ses joueurs. L'Équipe fait probablement de nos jours du meilleur journalisme que Le Monde, mais la facilité du stratège de canapé a ses limites. D'ailleurs, si cette opportunité d'en savoir plus sur les arbitrages en les vivant de l'intérieur ne s'était pas présentée, j'avoue que l'idée de me me lancer au prochain renouvellement du Comité d'arbitrage m'a également traversé l'esprit - pas longtemps, hein: pas fou, le Popo.

Mais je digresse.

Concernant l'arbitrage lui-même, quelques premières impressions candides:
  • Il m'a fallu environ deux heures pour rédiger mon laïus, pourtant court. Je dois avoir dépassé de peu la barre fatidique des 500 mots alors que, de fait, j'ai pourtant été économe sur la mise en contexte (je suis parti du principe que tout le monde aurait lu l'intervention de Ludo sur le BA et se souviendrait de l'arbitrage ayant opposé Alvaro à Med, RamaR et Manchot dont le comportement de Doremifasol constitue déjà le filigrane). 500 mots, je le confirme, c'est peu. Je n'ose même pas imaginer les affres du plaignant venant soulever un cas dont personne n'est au courant;
  • Doremifasol, m'a-t-on dit, travaille dans la communication. Je m'attendais donc à une réponse enlevée et suis resté un peu sur ma faim. Ne répondant à quasiment rien de ce qui lui est reproché, ses premiers arguments dégoulinent d'arrogance: soit il est con, soit il a déjà prévu de se faire bannir et de revenir par la porte de derrière (auquel cas il nous prend pour des cons). Il a bien fait de signaler plus tard qu'il avait demandé l'intervention des wikipompiers (+1 point pour l'image conciliante), mais vu que celui qui a pris le feu l'a poliment rembarré en lui indiquant qu'il devrait commencer par dialoguer avec les gens, la mention est à double tranchant;
  • L'intervention d'Alain_r quant à la recevabilité m'a un peu surpris de sa part, je l'avoue. J'ai répondu et montré que dans le registre des chevaliers blancs je n'inventais pas vraiment l'eau chaude, mais visiblement et pour le coup nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde. D'un autre côté, d'après ce que je comprends il regrette surtout qu'on ne laisse aucune chance au gusse: je ne risque pas d'avoir de regrets de ce côté là!;
  • L'avertissement en tête de page de discussion que seuls seraient tolérés les témoignages avec diffs à l'appui est une super amélioration - merci aux arbitres pour y avoir pensé, et d'agir en conséquence (et tant pis pour le sympathique cri du coeur de Kelson);
  • J'ai eu un instant l'espoir que la cause serait entendue-reçue-décidée en 5 jours ou moins (soit le record existant, Markadet-Tadatala), mais je n'avais pas compté sur l'arrivée du long week-end de l'Ascension (où il y aura déjà un absent: moi).
A suivre.


1: Je n'étais moi-même pas très chaud pour le bannissement décidé comme ça sur un coin de table. La forme compte souvent autant que le fond.

samedi 16 mai 2009

« C'que t'es belle quand j'ai bu»

Il est souvent de bon ton de se désespérer des écrits (sous entendu... des intervenants) du Bistro. Sans dire que cela vole toujours très haut, on y croise des sections diverses avec des futurs... très divers également. De mauvaises idées trollogènes qui « prennent » (ou pas), des idées à la con reprises (ou pas), des supers idées vite oubliées (ou pas), des coups de gueule justifiés (ou pas), des visiteurs égarés etc.

Hier, c'est un mini sondage sur la prononciation du français qui est sorti du lot, à mon sens. L'auteur, un habitué du Wiktionnaire a eu bien raison à mon avis de préciser en préambule (la mise en forme est d'origine) « il n'y a aucun enjeu, cela n'est pas destiné à trancher quelque discussion que ce soit, mais est juste destiné à satisfaire ma curiosité. Merci à ceux qui répondront ». À ma grande surprise (et je crois que cette surprise est généralisée ou sinon c'est moi qui suis trop pessimiste), on compte cent réponses au moment où j'écris ces lignes !! Dingue, non ? Presqu'aussi dingue que l'invasion francophone de la wikipédia limbourgeoise (en bon fourbe que je suis, je me suis déconnecté pour y accéder, héhé)

Il faut dire que le sondage « pour satisfaire (sa) curiosité » est facile à comprendre, à remplir et nous force à prononcer des mots devant un écran avant de comparer nos réponses.... et de ne pas comprendre comment ce qui est évident pour nous ne l'est pas pour les autres et vice versa.

En tant que francilien installé depuis quelques années en Suisse romande et n'hésitant pas à se balader un peu dans le pays (même hors francophonie, oui oui), j'avoue que les petites différences au niveau de la langue sont sympathiques à observer. Je ne vais pas parler ici du vocabulaire différent, des tournures copiées collées direct de l'allemand et qui écorchent mes oreilles (autant que les anglicismes masqués en terre francophone outre Atlantique.. oops, je referme la boîte à trolls), mais juste des différences de prononciation.

Je me rappelle avoir attiré l'attention sur moi quand j'ai dit « Vévey » pour « Vevey » (au lieu de « Veuvey »), ou quand j'ai appris qu' « Ecublens» se dit « Ecublan» et non « Ecublinssse». Même chose quand on m'a dit que les « x » / « z » sont souvent muets : « Onex» ne se dit pas « Onexe ». En revanche « Gex », c'est bien « Gexe » allez comprendre. Ah oui, Gex, c'est en France (mais bon « Avoriaz / Avoriaaaa » également alors...). Bref, c'est un peu le chenit (cela veut dire le bordel ou le souk) tout ça. Et il y a aussi la « ch'minèèèèè » ou le « peuneu », bien entendu. Bref tous les petits pièges qui permetter de repérer discrètement le non autochtone. J'avoue que j'ai encore du mal à prononcer le « t » final de « vingt ».

En relisant le tableau proposé par Szyx (on prononce le « x » final, ou bien ?), je ne sais pas si on peut en tirer des données statistiques. En tout cas, c'est très intéressant de se comparer aux autres et de voir s'il y a des similitudes suivant les régions affichées. En tout cas, cela rejoint mes pensées sur la diversité (évidente) de la francophonie (même s'il est dur d'envisager qu'ailleurs, on fasse autrement et que cela aussi juste que chez nous... bien entendu c'est chez nous qu'c'est l' mieux diront « les imbéciles heureux qui sont nés quelque part ») et la difficulté que j'ai de répondre aux questions de mes collègues étrangers (ou d'un non francophone sur le chan, récemment aussi) : « quelle est la bonne manière de prononcer [un mot] ? ». Pas forcément évident de dire que « rôse » ou « rose », c'est juste. On doit me prendre pour quelqu'un qui ne sait pas parler sa langue... alors que je souhaite juste ne pas « imposer » une seule version de celle-ci. Je me souviens d'une Sud-Américaine n'entendant pas la différence « é/ait » dans « café au lait ». Cela dit, je n'entends pas de différence entre « brun » et « brin »...

Ce genre de constat sur les phonèmes permet de nous rendre compte (sans nous prendre la tête) de notre diversité, de nos différences . Quand on accepte cela, on peut se dire que sur plein d'autres points bien plus ouverts à la polémique (vocabulaire, définitions, tournures...), on a du boulot pour se comprendre et cela ne facilite pas la recherche de consensus. Comme quoi, des fois, le bistro permet de mieux nous comprendre. Étonnant, non ?

vendredi 15 mai 2009

Vérifiabilité ou vérité

La consultation aléatoire de Wikipédia amène souvent des surprises, généralement bonnes, et parfois des découvertes un peu plus déconcertantes. C'est ainsi que j'ai "appris" que les Anciens Égyptiens ne crachaient pas sur une petite cigarette voire un rail de coke de temps à autre, et que si on chauffe et compresse fer et carbonate de calcium assez longtemps on peut obtenir... du pétrole. Deux assertions suprenantes mais proprement documentées dans des publications à comité de lecture. Je pourrais aussi parler de Mirko Beljanski ou du Kombucha, pour ne citer que deux autres sur lesquels je garde un oeil inquiet et qui peuvent se targuer d'au moins une publi évoquant le sujet.

Bon.

DocteurCosmos évoquait cette semaine un rapide et pourtant intéressant échange sur le Bistro où l'on parlait vérifiabilité et vérité (voir les trois derniers paragraphes de la section): en gros, que fait-on des âneries que l'on trouve et qui sont proprement référencées? L'idée qui semblait émerger est que si une idée est totalement marginale celle-ci n'a pas vocation à etre citée, et ce quels que soit les efforts de référencement proposés. Solution a priori de bon sens, sauf que Wikipédia étant ce qu'elle est, on peut être sur qu'un article dédié réapparaîtra sous peu - signant par là l'échec de la solution de facilité. Sans compter que ce n'est pas en censurant les pseudo-sciences qu'on les fera disparaître. Dès lors le laisser l'article vivre sa petite vie et documenter ou indiquer le peu d'écho reçu me paraît être une forme de limitation des dégâts acceptable, voire préférable1.

On fait dès lors face à deux problèmes:
  1. Il est paradoxalement difficile de documenter le fait qu'une idée ou théorie n'est pas reprise;
  2. Comme le souligne GL sur le bistro, on a "un gros décalage entre la motivation de ceux qui veulent caser leur lubie et celle de ceux qui seraient suceptibles de leur répondre sérieusement".
Pour le premier point, il est relativement facile de pointer, pour les cas scientifiques, vers l'absence d'articles issus d'équipes autres que celle à l'origine de la théorie problématique; il me semble que c'est ce qui est arrivé à Jean-Pierre Petit et sa théorie des univers jumeaux: un simple lien en note de bas de page vers une base de données du milieu listant les articles rédigés par Petit et le nombre de fois ou ceux-ci sont cités permet à tout un chacun de se dire que, effectivement, ça n'est pas la gloire.

Pour le deuxième point, j'avoue mon manque d'enthousiasme quand à devoir passer plusieurs heures sur une recherche bibliographique (incluant l'éventuelle commande d'articles) pour démontrer par A+B que le protocole utilisé est complètement bancal2. La partie adverse, avec le zèle des convertis qui caractérise souvent ces personnes, à dès lors beau jeu de mener une guerre d'attrition en jouant et abusant par exemple de la méthode hypercritique.

Tout ça pour dire que je suis un peu à court de ressources: si je commence à me résoudre à l'idée de réintégrer discrètement une mention sur les Égyptiens cocaïnomanes et le pétrole abiotique dans les articles principaux, ne laissant qu'une note de bas de page indicative sur le sujet (et supprimant l'article "ésotérique"), je me sens un peu plus démuni quant à la gestion sur le long terme des articles du type Beljanski et Kombucha, qui sont suffisamment connus du grand public pour susciter un trafic significatif et un suivi de fidèles motivés.

On revient donc à la case départ: comment documenter le non-documentable, et comment s'assurer que celui-ci reste sous contrôle?


1: J'avoue par ailleurs sens être un peu partagé vis-à-vis de la suppression du modèle "Prudence médicale" qui indiquait "Nous mettons en garde le lecteur sur le contenu de cet article : les méthodes ou les produits proposés dans ce texte n'ont pas pour vocation de guérir des maladies. On peut les considérer comme des aides complémentaires aux traitements médicaux ou comme des apports supposés utiles pour leurs effets bénéfiques sur la santé." Pas vraiment optimal, mais il y a des fois où l'on se dit mieux vaut trop que pas assez.
2: Effet pervers du besoin de sourcer et d'éviter les travaux inédits ou arguments d'autorité.

vendredi 8 mai 2009

Classement du vendredi

Cinq indices qu'un article n'est probablement pas neutre: 

5. Des éléments du texte vous choquent; 

4. A contrario, aucun des éléments présentés ne vous surprend; 

3. Il parle d'un sujet récent d'actualité économique ou politique (au sens large); 

2. Il est essentiellement l'oeuvre d'une seule personne, qui a plusieurs blocages ou arbitrages à son actif; 

1. Il contient une section "critiques" ou "controverse". Celle-ci est plus longue que le reste de l'article. 

mercredi 6 mai 2009

Popo le C.

Le graphique suivant est totalement empirique, mais probablement pas trop éloigné d'une triste réalité: il existe une quantité invraisemblable de gens qui se croient très malins. J'ai la vague intuition qu'être seul derrière un ordinateur augmente sensiblement cette impression - s'il y a un expert en psychologie sociale dans la salle et qui pourrait confirmer (ou pas), qu'il se fasse connaître.


Pour ceux qui auraient manqué le début de l'histoire, le dernier opus de Foutons nous de la gueule des gens sympas se trouve ici. Comme signalé, ça n'est jamais dans mon cas que le deuxième sur ces cinq derniers mois - la côte d'alerte de ma propre sénilité n'est pas encore atteinte (mais je ne vous dirai pas où je la situe).

Ce qui m'embête le plus, c'est d'avoir pu laisser penser que cet état de fait me vexe plus qu'il ne me désole.

mardi 5 mai 2009

Célébrités célèbres

Wikipédia compte 33 catégories célèbres, si j'ose dire. L'une d'entre elles est (espérons) en train de passer à la trappe, une autre est vide, mais pour une fois que la question se pose on peut essayer d'y répondre: cela veut dire quoi, être célèbre? La célébrité, c'est bien connu, ne dure qu'un quart d'heure. Mais est-ce aussi:
  1. le fait d'être cité dans le journal (soit quelques centaines de gens par jour)?
  2. le fait d'être remémoré et commémoré longtemps après avoir été cité dans le journal (linéairement moins de gens avec le temps)?
  3. avoir plusieurs personnes qui ne vous connaissent pas personnellement, ne vous ont jamais vu(e), et pourtant savent qui vous êtes?
  4. faire l'objet d'un consensus sur ladite célébrité?
Pour ce dernier point, je suis plutôt d'avis que les gens (ou objets) célèbres le sont tellement qu'il n'est pas besoin de le mentionner. Barack Obama n'est pas catégorisé parmi les "Présidents célèbres", "Américains célèbres" (il appartient par contre à la catégorie des Présidents américains). Ferrari n'est pas une "marque célèbre de voitures". Le virus de la grippe qui fait présentement la une des journaux n'est pas une "maladie célèbre" - la célébrité n'est que le corollaire des autres éléments de catégorisation (une épidémie ou pandémie). S'il y a besoin de souligner que quelque chose est célèbre, c'est probablement parce que la plupart des gens sinon l'ignoreraient (auquel cas nombre d'articles ainsi catégorisés concernent des inconnus célèbres - paradoxe quand tu nous tiens).

Bref, on voit bien que la célébrité ne vaut que dans l'oeil de celui qui catégorise. Autant dire pas grand chose.

De fait, parmi les vingt personnages listés dans la catégorie Patient célèbre en psychiatrie (la première qui sort pour moi après une recherche Google), le seul dont j'aie jamais entendu parler est... Utilisateur:Salebot.

samedi 2 mai 2009

Licence to fill

La raison principale qui fait que je participe (à mon petit niveau) aux projets Wikimedia en général et à Wikipédia en particulier, c'est que je crois dans ce projet librement distribuable et gratuit qui vise à rassembler des connaissances encyclopédiques (je sais qu'en pratique c'est plus bancal que cela, n'empêche que l'objectif est louable à mes yeux). Aussi, sans faire preuve d'un prosélytisme exacerbé, il m'arrive d'en parler à certaines de mes connaissances (les personnes que je connais, pas les trucs que j'ai dans la tête, je précise pour ceux qui me croient schizophrène (tu vas dans le mur) ou débile profond).

Sauf que ce n'est pas évident de dire « Tiens, tu pourrais rédiger un article sur la Culture des olives en Frise Occidentale au Bas Moyen-âge , non ? ». Rédiger, cela veut dire prendre du temps (recherche, écriture, relecture etc). Aussi, je trouve que c'est plus facile de proposer de partager des travaux (images) existants. Le souci quand on aborde Commons, c'est qu'il faut parler licences. Et soudain, c'est le drame.

Premier exemple : un cousin (sexagénaire) fait de super belles photos. Mine de rien, en biais (Erdrok-style), je lui demande s'il a pensé à mettre certains de ses clichés sous licence libre. Bien entendu, il ne sait pas ce que c'est, alors j'explique le concept général. Réponse immédiate : « Moui bon Erdro, j'ai pas envie que n'importe qui puisse prendre mes photos ». Réaction normale, je m'y attendais (en préambule, j'avais bien souligné qu'il restait l'auteur des photos et qu'on devait le créditer, du coup je le re-précise). Ensuite j'aborde (comme je peux) les détails techniques sur l'importation des données sous Commons (la création d'un compte par exemple) et le choix de la licence. Cela lui paraît bien compliqué et je ne peux pas vraiment lui donner tort. Le lendemain, il me dit qu'il va penser à « mon truc ». Quelques mois plus tard, je pense qu'il n'a rien fait de plus parce que cela lui est sorti de la tête et que je ne lui ai pas rappelé « Tiens au fait, t'as pu créer ton compte ? ». C'est fatigant d'apporter la « bonne » parole, on dirait.

Second exemple (Plural of anecdotes is not data oui je sais) : cela commence pareil mais avec une copine (vingtenaire, assez calée en tout ce qui est informatique). Première réaction « Des photos de moi sur Wikipédia, non mais t'es malade ?? » dit sur le ton d'une personne qui n'ose pas imaginer que ses clichés soient sur un site mondialement connu (cela m'a fait rire comme réaction, marrante la perception des gens, non ?). Je lui montre la page en question et elle ne peut qu'acquiescer sur le fait que l'image du moment est faiblarde (pour rester poli). Ensuite, je passe en revue avec elle Commons, licences et création de compte. Elle s'y met, uploade (téléverse ? hihi) les photos et les remplace sur l'article en question, toute seule comme une grande. Puis, très motivée, elle me dit « J'ai des photos sur cette personne, je pourrais mettre en ligne les images et créer l'article sur Wikipédia ». Je douche un peu son enthousiasme en sortant le fameux [[WP:CAA]] « Désolé, encore trop tôt. Mais en mettant des images en format libre, tu peux peut-être quand même les aider si quelqu'un cherche à illustrer un article presse par exemple ». Elle est un peu étonnée de cette règle de prime abord mais la comprend et s'y plie.

Deux mois après, elle vient me voir « Erdro, j'ai reçu un mail, on a modifié ma page de discussion, je fais quoi ??? ». Là je suis perplexe car je ne l'imaginais pas perdue à ce point. Je vais lire, lui (re)donne le lien et lui dis ce qui est demandé puis vois quelle réponse apporter. Naïvement, je pensais qu'elle savait comment répondre. Or je me rends compte qu'elle ne capte pas du tout la syntaxe wiki (~~~~, accolades, bandeau de réponse et indentation par exemple). Je l'aide, explique en détails et c'est réglé. Mais j'ai l'impression que sa courbe d'apprentissage est assez lente, qu'elle a un besoin important de suivi pour tout ce qui est nouveau (importer les photos, ça va, elle maîtrise maintenant). Et si je n'avais pas l'impression de la piéger, je la pousserais plus à contribuer sur Wikipédia car bilingue français-allemand, cela manque, je crois. Mais je ne sais pas si ce serait vraiment lui rendre service.



Barrière naturelle de l'encyclopédie pour séparer le bon grain de l'ivraie (et tant pis pour les dommages collatéraux)


Bref, à force d'avoir le nez dedans (et malgré ce que je peux lire pourtant de temps en temps), je ne m'étais pas imaginé une seconde qu'une personne compétente en informatique générale pourrait galérer à ce point. Cela m'a fait prendre conscience des différences de perception entre les « occasionnels » et les « habitués ». Je ne me rappelle pas avoir tant peiné au début (ni être particulièrement meilleur) et ces éléments de syntaxe wiki étaient déjà présents en 2005 (je ne parle même pas des tas de modèles ou infobox apparus entre-temps pour lesquels, il faut être pro pour les remplir). C'est la même chose pour la « cuisine interne du projet », « les gens » imaginent pas tout ce qu'il s'y passe.

Tout ça pour dire que même avec des neurones et un peu de bonne volonté, ce n'est pas facile d'entrer sur wikipédia ou commons. Il faut souvent faire un suivi appuyé et personnalisé pour que cela porte ses fruits. Alors avec un(e) inconnu(e) qu'on croise par hasard dans les modifications récentes, listes de suivi ou autre, c'est encore plus dur.

vendredi 1 mai 2009

J'arrête quand je veux

Cinq indices que votre Wikibreak n'est pas aussi efficace que prévu:

5. Fatigué de l'attente à l'aéroport, vous cherchez un ordinateur libre pour y consulter votre liste de suivi;

4. Arrivé à 4'000 km de chez vous et après une semaine de crapahut improbable, vous profitez d'un café internet pour consulter vos emails... et le bulletin des administrateurs de Wikipédia;

3. Vous embrayez sur la lecture des blogs wikipédiens;

2. Arrivé devant n'importe quelle ruine/palais/monument/site nucléaire, vous prenez une photo en vous disant "si ça se trouve ils ne l'ont pas encore sur Commons";

1. Vous convertissez le manager de votre hotel aux bienfaits de Wikipédia (qu'il ne connaissait pas).