vendredi 30 janvier 2009

L'air du temps

J'avais déjà suggéré il y a quelques temps que si l'on voulait connaître l'état d'esprit des gens, il n'y avait qu'à consulter les statistiques de fréquentation de l'encyclopédie. Le projet est devenu une référence suffisamment incontournable pour qu'à chaque fois qu'une sujet brûlant apparaisse dans les médias, on ait une variation sensible dans le volume des requêtes de l'article correspondant.

Preuve étant faite que cela marche pour les questions d'actualité, je me suis demandé si cela valait aussi pour les choses un peu plus anodines de notre vie quotidienne. L'outil de mesure de la fréquentation des articles sur la Wikipédia francophone ayant pratiquement complété un cycle de 12 mois, je me suis dit que ce serait une bonne occasion de s'intéresser à la vie d'articles "cycliques", comme par exemple celui sur le rhume:

Fréquentation de l'article rhume sur la Wikipédia francophone, février 2008 à janvier 2009 (cliquez pour agrandir).

Première constatation: les gens sont moins intéressés par le rhume pendant les mois d'été que les mois d'hiver. Ca paraît une évidence, mais on en a ici la confirmation empirique. Ce qui m'a en fait vraiment surpris, c'est de voir cette immense progression à partir de septembre, mois que je n'associerais pas spontanément avec les grands froids. Mais en y regardant de plus près (c'est à dire le décompte quotidien, encart de droite), on s'aperçoit que l'essentiel du volume des requêtes s'opère dans la deuxième moitié du mois... quand le temps se refroidit effectivement. On notera aussi les deux petites bosses en avril et juin, que j'associerais à des pics de rhume des foins, article dont la fréquentation augmente au printemps (encart de gauche).

Pour s'assurer que la baisse de fréquentation estivale n'est pas simplement due à la simple baisse de l'utilisation d'internet pendant cette période, qu'y a-t-il de mieux que regarder les statitistiques de l'article sur le coup de soleil?

Fréquentation de l'article coup de soleil sur la Wikipédia francophone, février 2008 à janvier 2009.

Visiblement, c'est un problème dès l'arrivée des beaux jours (alors que j'aurais pensé aux seuls mois de juillet et août). J'ajouterai que la granularité des données est ici assez impressionnante, il suffit pour s'en convaincre de regarder les statistiques de fréquentation de ce même article pour le seul mois de juin:

Je ne me souviens pas si le début du mois était gris, mais on distingue très clairement 3 groupes de pics les 8, 9, 22, 23, 29 et 30 du mois. Et vous savez quoi? Les 8, 22 et 29 juin 2008 sont des dimanches, et les 9, 23 et 30 juin des lundis. Prenez le soleil le week-end, sentez-en les effets le lendemain.

Enfin, si l'on combine les données précédentes, on obtient ça :

(je vous laisse deviner qui est qui)

mercredi 28 janvier 2009

Les arbitres (3/3)

Sociologie de comptoir 101: dites à une personne que son rôle est X et, en dépit même de son caractère ou inclinations naturelles, celle-ci tendra à se comporter comme il est attendu de X (pensez à l'expérience de Stanford). L'illustration pratique de cette idée se retrouve dans la communauté wikipédienne, dont bien des membres considèrent (à tort ou à raison) le corps des administrateurs comme autant de gardiens du temple plutôt que balayeurs corvéables à merci; de fait, aujourd'hui, ceux-ci se comportent logiquement de plus en plus comme des flics que comme des nettoyeurs toutes surfaces.

C'est sur ces bonnes bases que les admins vont pouvoir constituer le bras armé du Comité d'Arbitrage, chose déjà effective par ailleurs lorsque ce dernier décide d'un blocage.

La page de témoignages, nous l'avons vu, est une plaie - un mélange de tout avec pas mal de n'importe quoi qui n'aide en définitive pas les arbitres, et bien moins encore l'ambiance. La solution pourrait passer par un renforcement du rôle de l'arbitre coordinateur, dont la tâche essentielle pour l'heure est, il me semble, d'annoncer les arbitrages. A celui-ci désormais de faire le tri dans les interventions des témoins sur la base d'un métrique de pertinence1 et de supprimer les ajouts philosophiques ou gratuitement aggressifs2. S'il y contestation un des deux autres arbitres confirme ou infirme, et s'il y a début de révocation parce-que-mon-avis-est-super-important, les admins interviennent pour bloquer. La pacification des choses commence avec l'arbitrage lui-même, pas une fois celui-ci prononcé.

Avantages:
  1. La séparation des rôles entre partie prenante au conflit et applicateur de la sanction correspond à une pratique déjà en place entre admins;
  2. Le contributeur lambda qui insiste pour que son avis soit pris en compte n'insistera pas longtemps - les arbitres ont une légitimité décisionnelle pour le contenu du CAr que lui n'a pas, et on a le balai clouté des admins pour le lui rappeler;
  3. Un administrateur voulant également donner son avis et étant révoqué n'ira probablement pas engager un wheel war avec les collègues, cette option étant considérée avec autant d'affection par le corps des balayeurs qu'un chat peut en avoir pour un bain chaud3.
Pour d'autres détails techniques, vous pouvez consulter la proposition d'Hadrien, en décembre dernier, qui consiste peu ou prou en cette même idée de modération à la pointe de la baïonnette.

Donc en résumé des trois derniers billets:
  1. Etre arbitre ne doit pas être un statut de dilettante;
  2. Le Comité d'arbitrage peut être resserré pour une efficacité identique mais une latence moindre;
  3. L'arbitre coordinateur doit faire le ménage de la page de témoignages pour s'assurer que ceux-ci ne servent pas à des réglements de comptes, et il doit être épaulé par les admins au besoin.

1: Ajout de liens vers des différences d'historiques pointant vers des contributions d'une des parties, citation dudit témoin par l'une au moins des autres parties.
2: Les ajouts agressifs mais argumentés devant (malheureusement) rester: le coordinateur est juge de la pertinence, pas censeur des émotions, sinon on ne s'arrête plus.
3: Je ne me souviens d'ailleurs pas de la dernière fois où l'on a eu une vraie guerre de multiples révocations et blocages entre admins.

mardi 27 janvier 2009

Les arbitres (2/3)

C'est bien connu, "pour prendre une décision il faut être un nombre impair de personnes, et trois c'est déjà trop."1 Voici qui constitue une bonne raison de se demander pourquoi il faudrait absolument cinq arbitres pour chaque affaire qui se présente.

Souci d'équité, me direz-vous, auquel on opposera la marque de confiance que constitue déjà l'élection avec deux tiers d'avis positifs. Symétrie des rotations, ajoutera-t-on, qui permet d'avoir deux Comités pour le prix d'un (il y a dix arbitres élus). Sauf que quand on commence à additionner freins et garde-fous on est surtout en train, me semble-t-il, de commettre le pêché de bureaucratie et de se créér une petite armée mexicaine2.

Les débats entre arbitres sont une aberration wikipédienne en ce qu'ils sont policés, précis (à défaut d'être toujours justes) et plutôt consensuels. Quelqu'un -je ne me souviens malheureusement plus qui- est même allé jusqu'à dire que le premier à se prononcer donnait le la, et que les interventions suivantes ne constituaient finalement qu'un micro-réglage (qui, dans la section concernant les éventuelles sanctions, consiste de plus en plus à dire "avec X=3 mois et Y=X+1 jours"). Ce n'est pas faux3.

S'il faut attendre une voire deux semaines supplémentaires pour qu'un voire deux arbitres supplémentaires se prononce et avoir un résultat somme toute identique, peut-être est-il temps de se demander si cette attente en vaut la chandelle. Peut-être, comme le suggérait Pwet-pwet dans son mot de départ, pourrait-on y gagner en efficacité en diminuant le nombre d'arbitres de cinq à trois.

Prochain billet: maintenant que les arbitres sont moins nombreux et qu'ils ne font qu'arbitrer (c'est à dire quand ils ne contribuent pas sur des articles), comment s'assurer que personne ne viendra les embêter.


1: Clémenceau.
2: La photo montre les 7 conseillers fédéraux suisses (2008), gouvernement restreint dont les décisions sont prises de manière collégiale. La chancelière (tout à droite) compte pour du beurre et sert les cookies läckerlis. A l'inverse, le Sri Lanka compte 105 ministres et sous-ministres (record mondial je crois). Le voyageur y relève souvent l'absence de läckerlis.
3: Et cela montre probablement une des qualités du système en ce que plusieurs personnes, pourvu qu'elles ne soient pas choisies dans un vivier de cas sociaux, peuvent avoir une lecture assez similaire d'un problème; ou en tout cas des conclusions à en tirer. D'autres parleront de suivisme, mais je ne pense pas que ce soit le cas général.

lundi 26 janvier 2009

Le chant du cygne

Pour ceux que ces histoires de Comité d'Arbitrage laissent froid, je signale qu'il y a 1000$ à gagner en écrivant un beau Knol. Vous avez jusqu'au 23 mars 2009.

Personne ne le lira, mais c'est quand même plus de beurre dans les épinards qu'une médaille du prochain Wikiconcours, qui pour sa part démarre le 1er mars prochain (et qui, lui, sera lu).

Les arbitres (1/3)

La toute récente démission de Pwet-Pwet de son (tout récent) poste d'arbitre est préoccupante en ce qu'elle n'est ni la première, ni la moins justifiée. La lecture que je fais de son intervention est que le CAr est faible et les arbitres peu ou pas respectés pour le travail qu'ils font: c'est, excusez du peu, la chienlit.


Et alors quoi, me direz-vous? Eh bien il me semble qu'une réforme du Comité d'Arbitrage (CAr) ne pourra faire l'économie d'une réforme du statut des arbitres, car c'est de la perception qu'ils ont de ceux-ci que dépend la façon dont les autres Wikipédiens interagissent avec le CAr. La nature, souvenons-nous, abhorre le vide: tout espace laissé par le Comité sera forcément rempli, ce qui en pratique revient à laisser les admins décider des bannissements, les "témoins" se déchirer sur le ring que constitue la page de discussion, et les bonnes âmes indiquer aux arbitres ce qu'ils doivent penser. Il est visiblement grand temps de remplir cette vacance du pouvoir, en indiquant clairement les prérogatives de chacun. Dans une Wikipédia à la structure intrinsèquement horizontale, où tous sont théoriquement égaux, il faut bien se rendre à l'évidence que le fonctionnement de l'organisme de réglement des conflits (et pas d'écriture des articles) doit reposer sur le fait que, dans ce cadre précis, ses membres seront plus égaux que les autres. En clair, il s'agit là de professionnaliser les arbitres en leur demandant d'agir comme tels et, pour les y encourager, de leur donner le moyen de se faire respecter en cas de débordement(s): soit dans l'ordre recentrer, coordonner, et équiper.

J'essplique.

Première étape pour donner de l'épaisseur au statut d'arbitre: fournir à ces derniers les moyens de s'y consacrer pleinement. Mais si l'on se permet autant de libertés avec les membres du Comité, c'est aussi, soyons honnêtes, en partie parce qu'ils sont perçus comme inefficaces. Hors ceux-ci sont humains: la finalité de tout contributeur est d'assurer le développement d'un contenu décent pour les articles hébergés sur l'encyclopédie, pas de faire du social envers les égos blessés ou des relations publiques envers diverses factions.

Quand la possiblité de faire autre chose que lire la logorrhée vengeresse de X contre Y se présente, la plupart des gens n'hésiteront pas longtemps: pourquoi jouer les Salomons quand on peut, tranquillement et dans son coin, faire quelque chose d'utile et immédiatement gratifiant1? Il est dès lors grand temps de briser un tabou en mettant sur la table la question du double mandat: quand on n'a qu'un nombre d'heures fixe à consacrer quotidiennement ou hebdomadairement à Wikipédia, qui prétendra encore qu'ajouter des tâches ingrates à accomplir se traduira par une productivité au minimum constante? Quand on peut avoir des résultats immédiats et probants en étant Check-User ou administrateur, quelle incitation avons nous à consacrer plus de temps à la fouille d'historique rébarbateurs et de plaidoiries forcément teintées d'une certaine mauvaise foi?

Pour les admins-arbitres, cela signifie l'abandon de leur statut pour un an. Bonus: cela permettra de filtrer ceux qui font la course aux honneurs2 pour laisser plus de chance aux seuls motivés. Pas la peine de démissionner, posture plus symbolique qu'utile: on ne parle ici que d'une mise entre parenthèse (une suspension des droits) afin de se donner de l'air, la fin du mandat d'arbitre entraînant une récupération automatique du balai.

Voilà donc pour ce qui est de recentrer. Prochain point, demain à 8:00: coordonner.



1: Immédiatement gratifiant car immédiatement visible à l'écran.
2: Il y en a, ne nous voilons pas la face là non plus.

vendredi 23 janvier 2009

Nous sommes cernés

Allez donc savoir pourquoi, mais je me disais récemment que Wikipédia attire quand même un sacré lot de cas sociaux sur ses pages. Ceci n'est pas une allusion masquée à je ne sais quel sous-groupe wikipédien (admins, pompiers, conservationnistes, suppressionistes et blogueurs), mais bel et bien le constat que certaines personnes perdent tout sens de la mesure et toute limite dans leur façon d'interagir avec le projet et ses membres. Je parle bien évidemment des vandales de longue durée. Certains continuent par jeu, tous finissent par se lasser et disparaître, mais il faut quand même leur faire la chasse et bloquer, re-bloquer et re-rebloquer les multiples comptes et faux-nez avant qu'un court répit permette d'attendre le suivant.

Ce qui suit n'est que mon classement personnel, nombre de gens ne seront pas reconnus à la hauteur du temps qu'ils auront fait perdre aux autres. Ce choix est, en fait, basé arbitrairement sur la capacité qu'auront eu ces personnes à susciter chez moi de sérieuses interrogations quand à ce qui leur passe par la tête:

10- Winckelmann. Le maître de l'identité multiple. Aime les emails;
9- Mbmmbmm, mathématicien, "auteur" du polynôme de Boubaker Turki. Vandale transwiki, qui visiblement tenait à ce que Wikipédia publie ses travaux. Retrospectivement, je me demande s'il n'était pas un peu trop en avance sur son temps (je plaisante);
8- Le vandale 172. Utilisant des proxys AOL (adresse IP 172.0.0.xxx), s'est créé une impressionnante collection de faux-nez pour commettre des vandalisme de type boute-en-train (+harcèlement irrégulier et potache);
7- Franck L., artisan-écrivain. Crée son propre article autobiographique, se donne du mal pour gonfler son mouvement littéraire, se fait bloquer, revient se défendre, repart, revient, promet de repartir mais revient. Ne m'a pas donné envie de lire ses romans;
6- Gemme. L'homme qui n'a jamais tort, le champion des champions des assignations au Comité d'Arbitrage. Le seul a avoir suscité tant de rejet qu'un pilori bannissement collectif a été démarré à son encontre. Est finalement peu revenu après son éviction;
5- Lustucri/Mario Scolas. Fait trembler la Belgique, semble travailler en équipe, écume les forums et blogs pour verser dans l'injure et la menace;
4- Jean-Pierre Petit. Astophysicien extraterrestrophile, inventeur de la propulsion magnétohydrodynamique et du harcèlement des gens hors de Wikipédia. Courriers à l'employeur, site web, petite clique d'ummistes dédiés qui viennent épisodiquement remettre son injuste traitement en question, etc.;
3- Alencon, alias, Brilling alias QuoiNonne (et d'autres?). Je le connais peu, ses méfaits datant essentiellement de mes premiers temps sur le projet, mais j'ai souvenir d'une amusante appellation de "troll bridgeur" et, surtout, de quelqu'un qui accumulait les éditions en ajoutant/corrigeant un espace ou une virgule à la fois. Je n'arrive toujours à imaginer quelle vie peut avoir ce monsieur;
2- Benoît Montfort, alias Mulot, alias Stuart Little. Le grand-père de tous les trolls. Culture générale impressionnante, même si un peu monomaniaque, il faut l'admettre. Au titre de ses exploits, on peut citer sa proposition de désysoper Anthere;

Mais le grand gagnant, le number one, celui pour qui le qualificatif de troll est assez injurieux tant il est touchant par son acharnement à revenir et son manque absolu de malice, c'est quand même...
1- 77bcr77, le thuriféraire lusitano-brie-comte-robertois. Un mélange inégalé de bonne volonté juvénile et d'orthographe défaillante, bref une personnalité qui a peut-être montré que si Wikipédia pouvait être modifiée par tous, tous ne devraient pas forcément s'y essayer. Étanche aux explications sur le copyright comme un pneu Michelin est étanche à l'eau, sa liste de blocages "éducatifs" est longue comme un jour sans pain. Retour annoncé pour bientôt après un passage par Vikidia, j'avoue que je serais assez content de le voir devenir un contributeur tout à fait lambda, prouvant par là que la rédemption est possible.

lundi 19 janvier 2009

Chats écrasés

Il y a maintenant bien longtemps que j'ai répondu à l'appel à l'extension du chaos. Après quelques idées vites abandonnées et un brouillon qui traine encore dans les entrailles de blogger, mon premier billet porte finalement sur les chats (et les chiens) écrasés. Le dernier en date, déjà évoqué chez Luminar, c'est le vol 1549 US Airways, un atterissage sur l'eau réussi qui a déclenché l'un de ces grands débats dont Wikipédia a le secret.

Le propos de ce billet n'est cependant pas de refaire le match et de discuter de l'avenir de la planète ou des encyclopédies du futur (incidemment, il est assez amusant d'imaginer que dans vingt, trente ou cinquante ans, des jeunes gens très sûr d'eux affirmeront peut-être que les incidents médiatiques ont leur place dans une encyclopédie mais pas les recettes de cuisine parce que c'était comme ça dans Wikipédia).

Il y a cependant quelquechose que l'on ne remarque pas souvent, c'est combien ces articles sont rares. En dépit de l'inquiétude souvent exprimée de voir Wikipédia transformée en encyclopédie des chiens écrasés, pleine d'articles sur des événements plus anecdotiques les uns que les autres, il n'y a guère plus d'une nouvelle par mois qui déclenche la rédaction d'un article suivie d'une demande de suppression rituelle. Le reste des grèves, décès, atterrissages ou actes de piraterie n'inspire ni les contributeurs anonymes de passage ni les utilisateurs soucieux de faire du chiffre. C'est même un argument de plus pour la suppression : après tout, qu'est-ce que l'attaque du Ponant a de différent des multiples actes de piraterie dans cette région du monde ?

Reste que d'une façon ou d'une autre, en ce qui concerne l'actualité, les contributeurs se limitent très bien tous seuls, avant même l'intervention des administrateurs et du petit groupe d'habitués qui débattent du problème avec intensité. En fait, parmi les milliers d'articles de presse publiés chaque jour, il n'y a qu'une poignée d'informations qui se retrouve sur Wikipédia. Il faut bien croire que ces informations ont quelquechose de particulier pour quelquesuns des visiteurs du site qui en font un peu plus que des faits divers supplémentaires. Bien sûr, cela ne signifie pas que cette régulation soit parfaite ni qu'elle corresponde à un quelconque plan de ce que doit être le projet. Mais il n'y a pas non plus de raison de craindre que l'encyclopédie ne se transforme en site d'actualités ou reprenne chacune des dépêches de l'AFP.

dimanche 18 janvier 2009

No problem

Grimlock a annoncé dimanche en mi-journée avoir semi-protégé l'article sur le mouvement Hamas: seuls les contributeurs enregistrés depuis plus de 4 jours peuvent désormais le modifier. L'article ayant été consulté près de 126'000 fois depuis le début de ce mois, je suis à vrai dire épaté qu'il ait fallut attendre pratiquement la fin du conflit pour en arriver à cette (semi-)extrémité.

Je suis du coup allé faire un tour sur les autres articles du registre, et j'ai trouvé:
  • Bande de Gaza: 140'000 visites au 18 janvier, qui a été semi-protégé dans la foulée du précédent;
  • Gaza: 141'000 visites, semi-protégé depuis le 8 janvier;
  • Guerre de Gaza 2008-2009: 5'900 visites, semi-protégé depuis le 8 janvier également;
  • Israël (29'000) est le doyen de la thématique, avec une semi-protection depuis mi-juillet dernier;
  • Tsahal (38'000) est toujours librement modifiable;
  • Idem pour Ehud Olmert (2'800), Ehud Barak (5'600) ou Ismaël Haniyeh (2'400);
  • Le Hezbollah est même déprotégé depuis le 27 décembre (soit le jour même du début des hostilités!) - mais le parti libanais n'a attiré "que" 6'000 chalands pendant la première moitié de ce mois de janvier, et n'est pas impliqué plus que verbalement dans ce conflit (il y des élections dans ce pays au printemps prochain).
Aucun article n'est complètement protégé, visiblement les wikipédiens savent se tenir (où tout au moins les zélotes de chaque camp n'ont pas transféré leurs batailles ici en enregistrant maints comptes. Quand on voit qu'à cause de ce conflit plusieurs sites d'information ont dû clore leurs espaces de commentaires (qui devaient probablement regorger de perles de la profondeur de "Les gazawi sont con"), je trouve que ce projet gère plutôt pas mal cette situation de crise. Et face à un système qui marche assez bien les vandales, me semble-t-il, ne sont tout simplement pas de taille.

vendredi 16 janvier 2009

Les témoins

J'ai déjà évoqué le problème, dans les arbitrages, que peuvent constituer les "témoignages". Inexistants dans les premiers jours, les interventions sont rapidement montées en puissance pour qu'aujourd'hui cette section ne servent non plus à la recherche commune d'une solution, mais bel à bien à afficher et élargir sa liste des gens qu'on n'aime vraiment pas. La sérénité des débats est, pour sa part, reléguée aux pages intérieures.

Que les arbitrages attirent de moins en moins les gens est en partie lié, j'en mettrais la main d'un autre au feu, au fait qu'outre le stress d'une confrontation directe on peut désormais être assuré(e) de 4(0) ou 5(0) coups de poignards dans le dos de la part de personnes par ailleurs tout à fait bien intentionnées. Tout le monde prend parti, et jamais à 100% dans le même sens. Ces interventions permettent en outre à leurs auteurs d'expliquer aux arbitres ce qu'ils devraient penser (des fois qu'ils ne viennent pas souvent sur Wikipédia, voyez-vous), instauration discrète selon moi d'une justice de meute et d'une miniaturisation encore plus forte de l'indépendance du Comité d'Arbitrage. Car qui osera ouvertement prendre une décision n'allant pas dans le sens d'une large majorité d'avis, ou en tout cas de l'avis de "ceux qui comptent"? Tout le monde me direz-vous, mais ils y réfléchiront probablement à cinq fois avant de le faire.

Sauf que oui, mais non. Si on n'aime pas les gens on le leur dit directement sur une page de discussion (ou par email); si on trouve qu'ils racontent ou font souvent des âneries et qu'on veut le pointer du doigt, on ouvre un blog; si on pense que son opinion est un habile mélange de sagesse, bon sens et équanimité (tout cela pour le bien de l'encyclopédie), on se présente et on se fait élire arbitre. Accessoirement, quand les interventions de la multitude tournent au brouhaha, le message que chacune porte risque d'être quelque peu perdu. Ce n'est que mon avis, mais vu que je tiens les clefs du présent blog, ça tombe bien que je le partage.

En gardant à l'esprit que les arbitrages restent le moyen de résoudre un conflit plutôt que la mise en place complexe du prochain bannissement par les admins, il faut s'assurer que la page des témoignages en reste une. L'alternative serait sinon de se laver les mains de toutes ces remontées acides et de la renommer en pilori, "avis-qui-ne-font-pas-particulièrement-avancer-ce-schmilblick-mais-qui-soulagent-leurs-auteurs" ou salle du public, c'est-à-dire des appellations respectivement trop médiévale, trop longue, ou trop américaine.

Alors quoi? Peut-être est-il temps de se demander si, les interventions étant inévitables, on ne peut pas faire en sorte qu'elles soient utiles. La subtilité étant que comme sur Wikipédia il est interdit d'interdire, il faut trouver une solution médiane qui permette à ceux qui ont quelque chose d'intéressant à dire de le dire, et aux autres de leur signifier que non, finalement ce qu'ils ont sur le cœur n'apporte rien mais que s'ils y tiennent vraiment ils peuvent quand même vider leur sac moyennant finance.

Le témoignage est l'intervention d'une "personne neutre, (..), une personne qui a vu ou entendu une chose et qui pourrait donc attester de sa réalité." La personne neutre, on l'a vu précédemment, peut être si le conflit vient d'un article le Wikipompier1. L'attestation de la réalité d'un fait est, par contre, à la portée du premier venu: je parle bien sûr de la comparaison des versions d'historiques (le "diff"). On peut imaginer que pour avoir le droit d'apporter sa pierre, on spécifiera clairement que toute intervention doit s'accompagner d'un ou plusieurs diffs à charge ou décharge vis-à-vis des protagonistes. Le reste non seulement ne sera pas admis, mais sera qui plus est effacé de manière à ce que ceux qui auront fait l'effort de fouiller les historiques (tâche fastidieuse qui semble-t-il est la corvée honnie des arbitres) ne voient pas leur travail noyé par l'acrimonie et l'expertise. On aura toujours des interventions inutiles mais, me semble-t-il, beaucoup moins.

Avantage connexe: le métrique simple que constitue la présence ou l'absence de diffs pointant vers les interventions des protagonistes permettra d'éviter les accusations de censure arbitraire qui ne manqueraient pas de pleuvoir en cas d'effacement impromptu. En limitant la possibilité d'intervention aux personnes nommément mises ou appelées en cause dans l'intervention de l'une ou l'autre des parties, on aurait même un deuxième métrique indiscutable.

Il faut maintenant trouver un moyen de s'assurer de la bonne tenue des débats et, le cas échéant, de faire respecter l'exigence de pertinence plutôt simple énoncée ci-dessus. Ce sera le sujet d'un prochain billet.



1: J'ai dit neutre, pas "efficace", ni "compétent" ou "rose à pois jaunes". La neutralité c'est quelqu'un qui, de bonne foi, peut dire qui dans un conflit a joué la carte communautaire et qui s'est lancé dans le vaste foutage de gueule et/ou la mauvaise foi.

Cerveaux contre temps de cerveau

La bannière d'appel aux dons a disparu pour les 300 et quelques prochains jours - grâce notamment à Jimmy Wales, qui s'est même fendu d'un mail de remerciement. A n'en pas douter, l'ultime coup de pouce qu'il aura fourni aidera certainemenent à sa réélection (ou plutôt confirmation) au poste de Steward et en tout cas, selon ses propres mots, à garder l'accès au savoir libre, gratuit et sans publicités1.

Bien.

Étant moi-même ces derniers jours plongé dans de sombres calculs capitalistes, je n'ai pu m'empêcher de penser, après tout le monde il est vrai, à ces histoires de publicité. La pub c'est mal, on est d'accord là-dessus. D'un autre côté, il faut bien se rendre à l'évidence qu'on a chaque mois plusieurs millions de personnes qui viennent se servir gratuitement - sans payer ni en argent, ni en temps de contribution. Tant et si bien d'ailleurs que Jimbo est obligé de se fendre d'un rappel amical:

Vous avouerez quand même que c'est un peu fort de café. Si la même chose se reproduit l'an prochain, rien ne garantit que ça marchera à nouveau: c'est toute l'histoire du garçon qui criait au loup.

Or, vu le nombre de fautes d'orthographes qui restent et d'"artistes" qui essaient de se faire leur pub en créant des sous-articles bidons on a, il faut bien l'admettre, une beau vivier de personnes qui ne veulent ou peuvent contribuer à l'amélioration d'un bien commun. L'altruisme est de l'accepter; l'équité (et le pragmatisme) consisterait à les faire passer à la caisse.

Je me suis rendu compte récemment qu'en tant que contributeur expérimenté j'étais l'un des rares à passer directement par la barre d'adresse plutôt que le moteur de recherche de l'encyclopédie. Je passe directement d'un article à l'autre parce que je fréquente suffisamment ce site pour y penser. Ce n'est probablement pas le cas du lecteur occasionnel. Dès lors, me dis-je, puisque le savoir (les articles) doit rester libre de toute pub et qu'il existe un sacré vivier de consommateurs dudit savoir, serait-ce vraiment aller contre le principe de la gratuité intégrale que d'afficher des annonces sur la page de recherche ou de résultats?

J'avoue ne pas être trop à l'aise moi-même avec cette idée -qui est quand même le début d'une pente sacrément savonneuse, et ce pour deux raison: d'une part, ce Rubicon étant franchi (même sur 0.0001%) les futurs appels aux dons risquent d'être encore plus difficiles - la réponse évidente des donneurs potentiels étant "ils n'ont qu'à mettre plus de bandeaux". D'autre part, pas mal de gens continuant à venir par Google ou d'autres moteurs, les volumes générés ne seront pas suffisant pour ouvrir la voie à un budget multi-milliardaire. Probablement juste assez pour s'assurer un petit coussin. Le jeu, dès lors, en vaudrait-il vraiment la chandelle?



1: avec en prime une mention spéciale pour Wikimedia CH. Hopp Wiki!

mardi 6 janvier 2009

Permis de tuer

Edit:Vu le nombre de réactions suscitées par ce billet, j'ai lancé un sondage directement sur Wikipédia.

Question idiote: vu le nombre d'apprentis cow-boys qui jouent avec LiveRC plutôt que d'apprendre les recoins du Projet et ensuite jouer avec LiveRC, ne pourrait-on pas faire en sorte que ce gadget ne fonctionne que chez les utilisateurs dont le compte a plus de 3 ou 6 mois (ou genre un millier de modifs dans l'espace encyclopédique)? N'est-il pas un peu troublant de penser qu'on donne à des gens qui ne connaissent rien de Wikipédia des facilités pour dire aux autres ce qu'ils doivent faire ou pas sur celle-ci?

lundi 5 janvier 2009

Rendements décroissants

J'avais initialement posté ce qui suit sur un autre blog fort bien écrit, mais c'est finalement assez long et fondamental pour être repris ici. Prenez ça comme mon credo d'admin, si vous voulez.

Ceux d'entre vous qui avaient une vie sociale dimanche soir auront peut-être loupé cet épisode où Hégésippe et moi (pas essentiellement, mais ce sont souvent les mêmes qui assurent le spectacle) nous opposons1 à propos du traitement à réserver à un énième post-ado mongoloïde bloqué quelques jours plus tôt. En gros, profitant d'un CU non concluant sur un compte tiers, j'ai débloqué celui-ci et réduit au passage le blocage de l'utilisateur Filth, qui avait pris un mois pour un splendide point Godwin envers Moez2. Vous aurez lu les détails avec le lien ci-dessus, mais en gros le zozo a repris la mouche rapidement (je ne dis pas en réponse à qui ^^) et s'est re-trouvé bloqué. Fin de l'histoire en ce qui me concerne.

Mais au-delà de ce splendide auto-goal, j'aimerais quand même préciser ce qui me motive donc, comme Hégésippe Cormier se plai(n)t à le souligner, à me faire le défenseur des andouilles et cas sociaux, par opposition à un bon ban bien fort et... pas forcément efficace.

Soyons clairs: la solution punitive longue à la première incartade est pour moi aussi la solution "idéale", dans la mesure où le contributeur bloqué apprend, comprend et accepte la sanction - et va voir ailleurs s'il y est. Les gens étant ce qu'ils sont, le déblocage tel qu'il a été opéré dimanche (après 3 jours), au contraire, est une solution ''pragmatique'' qui veut qu'un blocage court aide à limiter les dégâts, en tout cas plus qu'un blocage long et antagonisant, plus facilement contre-productif.

J'essplique.

Il ne faut pas perdre de vue qu'au moins au début venir sur WP c'est venir pour se divertir3. Se divertir en contribuant par exemple sur des articles dont les thèmes nous tiennent à coeur, et où l'on risque dès lors de s'échauffer d'autant plus vite en cas de mauvaise maîtrise du contexte wikipédien. Vient le clash, et le jeune contributeur se retrouve bloqué, souvent beaucoup trop fort par rapport à un crime perçu comme relativement anodin - pour un débutant dont le point de comparaison est, je le rappelle, n'importe quel forum sur internet ou discussion de bistro (et qui ne sait pas que les admins voient les mêmes trucs chaque semaine et s'en lassent). Tout le monde est entraîné dès l'enfance à comprendre le message d'une grosse tape sur la tête, rares sont ceux qui acceptent l'équivalent d'un tabassage en règle quasi-immédiat.

Reste alors une option divertissante pour celui pour qui Wikipédia n'est encore qu'un vaste terrain de jeu: se divertir en cassant les bonbons de quelqu'un qui a, dans l'oeil du bloqué, frappé trop fort. Le côté ludique et justicier consiste dès lors en un jeu de chat et souris qui, bonus, est beaucoup plus gratifiant qu'écrire des articles parce que la réponse, jamais plus gravissime que "chat!", si on prend le blocage comme un jeu, est immédiate. L'incitation est dès lors très forte pour déconner, l'anonymat assurant l'impunité IRL. Comme on m'a suggéré de me mettre aux diagrammes, voici donc tout ça résumé:
Probabilité pour une personne ne connaissant rien de Wikipédia de trouver un blocage normal et proportionné en fonction de la durée de celui-ci (rouge), et probabilité de le voir se transformer en fâcheux (bleu).

Si on ne bloque pas, il y a incitation tacite à recommencer; si on bloque trop longtemps, c'est la même chose. En fixant une limite simple (ânerie de débutant = blocage court) mais en considérant la personne comme un adulte, il y a je pense une incitation à la bonne volonté qui peut certes échouer, mais qui peut aussi payer. En bloquant 10 fois trop longtemps, je ne crois pas qu'on a une chance de voir les gens revenir apaisés: on augmente simplement la probabilité de devoir faire la chasse aux faux-nez. On perd un contributeur bénin qui aura appris par l'erreur, et on gagne un fâcheux de première. Vous aurez plus de mal à trouver un contributeur plein d'entrain après un mois de blocage que j'en aurai à pointer dix acharnés du vandalisme après la même période. Tout est question de goûts, mais voir des gens comme Moyg passer leurs journées à poster des reqêtes de check-user m'amuse très moyennement (en fait, pas du tout, et pourtant je ne suis pas CU).

Bref, des fois ça marche, des fois pas, mais dans ce cas on ne se retrouve que à la case départ: ça dépendra toujours beaucoup des gens. Mais j'ai déjà eu de bons résultats, et du coup oui, je continuerai.



1: On m'a dit par la suite que mon premier commentaire était aussi obscur que ceux de TigH. Je ne m'en suis toujours pas remis (le pire étant que je fais des efforts).
2: A mettre en perspective, comme je l'expliquais, avec le comportement beaucoup plus compréhensif vis-à-vis de Maffemonde (violations de copyright et insultes: 1 jour) ou, maintenant que j'y pense, Jimmy Lavoie (point Godwin: 1 jour), tous deux contributeurs anciens et connus. Des membres de la communauté, quoi.
3: Après seulement vient la dépendance.