mardi 30 décembre 2008

Les Wikipompiers

Quelle est la différence essentielle entre un Wikipompier et un admin (outre le fait que ce dernier a 8 ans d'ancienneté et 50'000 éditions sur le projet au moins)? L'admin, voyez-vous, a un gros bouton et n'hésitera pas à s'en servir pour imposer le calme dans les chaumières. Le Wikipompier, de son côté, n'a pour seule arme de gestion des conflits que son amour infini de l'Encyclopédie et de son prochain. A ma gauche l'Inspecteur Harry, à ma droite les Témoins de Jéhovah.

Et comme pour ces derniers -et au grand désespoir de certains, parfois - on ne peut pas se débarasser des Wikipompiers. Tout le monde peut en être, aucune règle ne l'interdit ou le réglemente, et l'idéal de l'humble Sauveur reste suffisamment fort pour que les volontaires soient présents en quantités surprenantes. Dès lors, plutôt que d'attendre sur le Bulletin des Admins d'entendre la dernière frasque d'un pompier pyromane, la solution la plus pragmatique consiste à utiliser ces bonnes volontés pour faciliter la vie de tout le monde (un peu)1.

J'essplique.

L'un des problèmes récurrent des arbitrages trouvant leur source dans l'espace encyclopédique est que les protagonistes y arrivent souvent directement, sans passer par la case médiation. En cause: un échange vif, une incompréhension, des tempéraments sanguins, bref une assignation-vengeance qui ne veut rien dire et ne mène à rien. Les arbitres mettent deux semaines à répondre que le cas n'est pas un conflit de fond, et que les deux enragés peuvent ranger leurs couteaux (et ont rédigé leur argumentaire pour rien). A tout le moins, on ne peut pas dire que ça aide à l'ambiance.

La solution la plus simple est dès lors d'indiquer en gras et toutes lettres "la recevabilité ne sera examinée que si les tentatives de médiation ont échoué". J'invente ici un peu l'eau tiède, vu que c'est la procédure en vigueur sur l'ArbCom anglophone. Mais puisqu'on ne l'a pas, autant l'importer; cela devrait aider à réduire le nombre de cas déclarés non recevables (et l'impression que le Comité d'Arbitrage (CAr) se lave les mains des conflits trop "neufs").

Deuxième usage utile du Wikipompier: il aura plus souvent, dans le cas d'un fâcheux récurrent, une vision d'ensemble de ses méfaits et problèmes (ne serait-ce qu'à cause des apparitions sur la liste des feux). Et si quelqu'un doit intervenir en tant que tiers dans un arbitrage, ce ne sont pas ceux qui ont un compte à régler avec l'un des protagonistes, mais bien celui (ou celle) qui est venu de bonne foi mettre les mains dans le cambouis, connaît au moins une partie de l'histoire et est, a priori, aussi neutre et incompétent sur le fond que peuvent l'être les arbitres. Incompétent sur le fond, oui, parce que le CAr ne juge pas qui a raison mais qui est incapable d'écouter la raison de l'autre.

Bonus: si le comportement des protagonistes d'un conflit a un témoin direct susceptible d'influer (ou de laisser croire qu'il peut influer) la décision du Comité, peut-être ceux-ci seront-ils plus enclins à écouter ce que dit ou propose le Pompier. C'est peu, ce n'est toujours pas le gros flingue de l'admin, mais c'est toujours un petit canif de plus pour aider à remplacer conflit par discussion.

Tout ça, me direz-vous, est bien beau, mais les Wikipompiers peuvent déjà intervenir sur la page de discussion de l'arbitrage. Sauf que tout le monde peut y raconter ce qu'il veut, et les témoignages sont en ce sens comme les diamants: ils n'ont de valeur que lorsqu'ils sont rares et dégagés de la saleté (ou des noms d'oiseaux). Mais ça, ce sera le sujet d'un autre billet.


1: Ce qui n'empêche pas qu'on a et qu'on aura toujours des pompiers pyromanes.

lundi 29 décembre 2008

Le procès inutile de la semaine

Visiblement, il s'agit soit d'un mauvais timing, soit d'une épidémie: quelqu'un vient encore d'essayer de faire interdire l'accès à Wikipédia dans son pays parce ce qu'il y a vu ne lui plaisait pas, et il vient lui aussi de se faire ramasser - avec bien sûr effet Streisand à la clef:

Le gagnant de la semaine (je n'ose plus dire du mois, même si comme indiqué ci-dessus l'essentiel s'est passé entre fin novembre et mi-décembre) s'appelle Bob Sijthoff, homme d'affaires néerlandais qui n'aime apparemment pas qu'on raconte qu'il fait pression sur les banquiers suisses (et fait de la prison, en plus). Les chiffres de fréquentation de l'article sont relativement faibles parce que la Cour l'a débouté pronto - le communiqué de Wikimedia-NL à ce sujet est disponible en anglais: en résumé le monsieur a confondu Wikipedia, Wikimedia Foundation et chapitre local (ça arrive), et n'a pas non plus pris la peine de contacter qui que ce soit à ce sujet avant de dégaîner ses avocats (ce qui est fâcheux). Pour anecdote, Philippe Manœuvre s'était contenté de demander gentiment quand l'annonce de son décès a été postée et avait eu toute la collaboration nécessaire (il faudra par contre m'expliquer comment 20 minutes a pu tomber sur une info restée 39 minutes en ligne).

Pendant ce temps, à Berlin, Lutz Heilmann se dit que sa notice biographique est désormais disponible en 22 langues. C'est une de plus que Virgin Killers, l'autre participant de notre grand jeu, qui mène toutefois la danse avec un million de visites en cinq jours - le sexe vend plus que la politique.

vendredi 26 décembre 2008

Pas de voeux, pas de chocolat

Je reviens cet après-midi même de vacances totalement imméritées - autant prévenir d'emblée que je me sens plus gras qu'inspiré pour répondre à l'un des nombreux billets postés par Pierrot ces derniers jours: celui-ci demande à chacun de formuler trois vœux pour Wikipédia; Serein et Cosmos ont déjà joué le jeu de la chaîne - un jeu souvent intéressant par ce qu'il révèle de ses participants autant que de son propos. Bref, il semble que c'est du coup déjà mon tour de m'y coller... ou pas.

Si pour les personnes je réponds le plus souvent une variation de l'increvable "amour, gloire et beauté", quand on s'adresse à quelques gigas de texte ça le fait tout de suite moins. A vrai dire, plus j'y pense et plus je crois n'avoir aucun vœu particulier à formuler pour ce projet - jusqu'à présent celui-ci s'en est plutôt bien sorti dans le chaos et la désorganisation. Mon seul et unique vœu sera donc que Wikipédia reste Wikipédia - et débrouillen Sie sich pour savoir ce qu'est réellement Wikipédia: j'entame ma cinquième année et, en ce qui me concerne, c'est encore très vague.

J'ai, par contre, trois prévisions plus ou moins wikipédiennes pour 20091:
  1. Un très gros soutien institutionnel, probablement plusieurs, interviendra pour assurer la pérennité financière du projet. Soyons fous et parlons d'une dotation supérieure à 3 millions de dollars/euros. Bon, ok, ça tient plus du vœu que de la prédiction, mais je me dis que 2008 aura vu WP devenir LA référence grand public (i.e. même Madame Dupont, à Romenay-en-Bresse, connaît), avec les premières interventions plus ou moins discrètes des grands groupes (TF1, l'équipe de S.Palin, par ex.). Et la sortie d'OLPC, sur lequel WP est intégrée il me semble. Ca devrait motiver un ou plusieurs généreux donateur(s), non?
  2. Il y aura un nouveau conflit majeur entre administrateurs sur fr:, avec 2-3 claquages de portes de contributeurs importants (admins ou pas) d'un coup à la clef. Le conflit qui a éclaté fin août dernier n'a pas été vraiment résolu -et ne pouvait réellement l'être- parce qu'avec l'augmentation du nombre d'admins (et, parmi eux, de ceux que j'appellerai à défaut d'un meilleur terme des mâles alpha), et avec eux toute la palette de visions et de compréhensions possibles du projet que cela représente, les conflits existeront tant qu'il restera des zones grises de développement ou d'attitudes "communautairement corrects" (à défaut, encore une fois, d'un meilleur terme). Ajoutez à cela que plusieurs grosses pointures ont déjà passé 4 ou 5 ans sur le projet, ce qui est long, et on leur donnera ainsi une bonne raison de quitter un projet qui, naturellement, ne les amuse plus autant qu'aux premiers jours (ne serait-ce que parce qu'on est passé d'une logique pionnière à une pratique de gestion de l'acquis encyclopédique).
  3. Knol va continuer à largement errer hors des écrans radars, et en tout cas restera en beta (soyons fous à nouveau et pronostiquons l'abandon ou le transfert vers/dans/de Sites en 2010). Facile à prédire car si Mountain View y croyait vraiment, il faudrait m'expliquer pourquoi ils laissent www.knol.fr se faire cybersquatter. Sans compter que ce n'est pas en mettant le nom et prénom des gens (plus photos) qu'on résoud le problème de la crédibilité, de l'orthographe, et de la neutralité. Tout juste celui du vandalisme pipi-caca.
Et si vous trouvez que la troisième n'est pas assez wiki-centrée, je rajouterai pour faire bonne mesure que le conflit entre suppressionistes et conservationnistes va perdurer, ces derniers prenant de plus en plus l'ascendant (personne n'a dit que ces prévisions devaient toutes être révolutionnaires, hein) - tout simplement parce que le volume des ajouts est trop important, que tout ce qui reste plus de quelques mois hors des écrans radars suppressionnistes doit passer en PàS, et que ce système y favorise la conservation du tout n'importe quoi, qui dès lors devient la base pour la création d'une nouvelle catégorie. Et qui dit catégorisation dit, souvent, institutionnalisation (et donc conservation).

Sur ces bonnes paroles, joyeuses fêtes à tous!



1: je viens de remarquer que c'est, après les rétrospectives, un autres grand favori des fins d'années des commentateurs.

mercredi 17 décembre 2008

Woah

Je n'avais pas d'autre titre pour décrire ce que je viens de lire dans l'édition en ligne d'hier de Nature:
"Quiconque désirant publier dans le journal RNA biology devra, dorénavant, également présenter une page pour Wikipédia résumant ce travail. Le journal la passera devant un comité de lecture avant de la publier sur Wikipédia."
Le projet a le soutien du Sanger Institute, également connu pour des projets aussi marginaux que, oh, le séquençage du génome humain. On devrait donc désormais se retrouver avec beaucoup plus d'illustrations de ce genre:

Image: Structure secondaire consensuelle des ARN SmY, avec un décompte des substitutions observées sur 68 séquences alignées.

Et, surtout, des articles scientifiques constamment à jour. Le géant suisse Novartis semble avoir déjà sur les rails (par le biais de sa Fondation) un projet similaire visant à documenter l'ensemble des gènes humains. En jouant sur les catégories et hyperliens, on pourrait même si je ne m'abuse suivre une voie de signalisation complète. La grande classe.

Mais je m'emballe. Si vous voulez en savoir (un peu) plus sur les ARN SmY des nématodes, le premier résumé d'article publié sous ces conditions est par ici. C'est en anglais, mais on ne va pas bouder son plaisir pour si peu.

lundi 15 décembre 2008

Soft Power

Peu de monde semble avoir relevé dans la presse ce que Darkoneko signalait récemment, à savoir le don de 100'000 images à Wikimedia Commons par les Archives fédérales allemandes. Lesdites images sont en cours de transfert par Bundesbot (ou un nom similaire, les noms de bots sont rigolos, souvenez-vous), et l'on peut dire un petit merci viel mal à nos cousins les Wikimédiens germains pour l'avoir négocié.

Je rappelle à tout hasard que la politique officielle des États-Unis d'Amérique, ces porcs impérialistes, est de placer le travail de ses agents dans le domaine public. L'Union européenne, ce valet du grand capital, se contente de demander de son côté que la source (l'Union, donc) soit mentionnée. Même la Confédération helvétique, se couchant une fois de plus devant ses banquiers, y est allée d'un généreux don de 200 photos de Conseillers nationaux.

Histoire de mettre les choses en perspective, je me dis qu'un petit dessin vaudra toujours mieux qu'un grand laïus sur le Soft power - cette façon de servir ses intérêts par le biais de la diffusion culturelle:

Nombre de documents publics mis à la libre disposition du public (échelle non respectée).

Inutile aussi de demander quels types d'articles sur les chapitres non-anglophones, francophones ou germanophones de Wikipédia sont les mieux (ou le plus facilement) documentés.

Je me souviens avoir vu des documents du XIXe siècle sur la révolte des Métis qui, mis en ligne par une bibliothèque canadienne, se voyaient affublés d'une grotesque mention de copyright. Or, outre le fait que dans ce cas particulier les images appartiennent au domaine public depuis belle lurette, les citoyens de ce pays ont déjà payé une première fois pour que ces documents soient numérisés (voire simplement générés): l'apposition d'une mention de copyright revient donc à demander aux gens souhaitant réutiliser ce travail de payer une deuxième fois pour le prix d'une.

Pour prendre un autre exemple, le budget du département de la culture du seul canton de Genève s'élève à CHF 222,8 millions pour l'année 2008 qui s'achève. J'hésite à leur écrire et demander combien ils voudraient pour placer leurs images et contenus dans le domaine public (le budget US étant de 2'660 milliards de dollars, c'est vrai qu'on a une certaine marge).



Joseph Nye, Soft Power: the mean to success in World Politics, Éd. Public Affairs (2005), 208 p., 10,80 € chez Amazon.fr.

jeudi 11 décembre 2008

Les deux théorèmes du chien

Je voulais répondre dans la page de commentaires du blog de Poulpy, qui vient de proposer ses deux théorèmes, mais je me dis finalement que ça me fera un billet pour pas cher (et j'avais pas envie de poster un truc sérieux aujourd'hui).

Or doncques, selon des recherches statistiques tout aussi sérieuses1:
  • Il faut 100 interventions en PàS pour avoir une seule amélioration de l'article visé;
  • Sur un sujet encyclopédique non standard, les contributions se partagent en deux camps : deux tiers de vandalismes ou d'autopromotion, un tiers de wikification ou corrections orthographiques (mais personne ne songe à améliorer le fond).
J'invite le reste de la blogosphère wikipédienne tout le monde à sortir ses propres théorèmes, si on est assez nombreux on pourra forcer le passage et en faire une Prise de décision ou recommandation ou règle ou standard ou jesaispasquoi (genre un essai).

Contrainte (parce sinon c'est trop facile): deux théorèmes, qui parlent de PàS et/ou d'articles "non standard".


1: sondage réalisé le 11 décembre 2008 sur un échantillon représentatif de 1 personne, juste après le café du midi. Méthodologie Pipotron™, marge d'erreur +/- 100%

mardi 9 décembre 2008

Nul n'est censé ignorer la loi

Le 16 avril 2004, l'utilisatrice Anthere créait la page Wikipédia:Principes fondateurs. Le chapitre francophone de Wikipedia étant ouvert depuis déjà deux bonnes années, il n'était pas inutile de rappeler quelques bases.

Le 8 décembre 2008, l'utilisateur Bertrouf lance le 3e volet d'un sondage pour l'adoption du totem des wikipédiens ayant joint le projet cette année.

Entre ces deux dates, nous aurons eu:Et j'ai bien l'impression d'en oublier, car je n'y ai pas vu la page sur les droits et devoirs d'un administrateur, et probablement pas non plus les diverses règles de fonctionnement des zones de chaos absolu que sont les Pages à Supprimer, Demandes de suppression immédiate, etc..

Autant de textes fondamentaux dont les Wikipédiens n'ont, dans leur grande majorité, pas connaissance ou carrément rien à faire. Pourquoi? Parce que le principe même de Wikipédia est "faites comme vous le sentez" (Be bold en anglais dans le texte), et qu'il suffit de cliquer sur un lien rouge pour tenter sa chance. Surtout, étant tous des bénévoles, il est difficile d'obliger les gens à faire quoi que ce soit, et les seules règles qui tiennent sont donc celles qui seraient tacitement adoptées par la majorité de toute façon: en sécurité routière, on appelle ça la règle du 85e centile - si les autoroutes sont limitées à 130 km/h c'est parce qu'empiriquement 85% des conducteurs trouveront cette limite acceptable et qu'elle correspond à un taux encore relativement bas d'accidents (du coups la police pourra se concentrer sur les 15% de punks restants et qui provoquent la majorité des dommages).

Dès lors, toute nouvelle prise de décision ou tout changement de règles demande de prendre en compte ce critère d'acceptation tacite: voter des trucs pour ensuite les agiter sous le nez des gens en disant "eh, c'est le règlement et il faut le suivre" est à mon avis voué à susciter une indifférence polie (ou le conflit, dans le cas des demandes de suppression) parce que le gain n'est pas évident: un volontaire travaille pour une gratification, quand bien même elle est immatérielle (créer un article sur un sujet qu'il aime, le rendre plus joli, gagner un statut au sein de la communauté, etc.), et pas parce qu'on lui a dit de faire x ou y.

Le but d'une règle doit dès lors être de faciliter la vie du contributeur, ou de la compliquer dans une mesure acceptable et cohérente (la prise de décision sur les bandeaux de portail est en ce sens un bon exemple). M'est avis que c'est pareil pour les arbitres, qui sont aussi des contributeurs volontaires: je me demande également s'il y a quelque autre position sur le projet où les contraintes externes sont plus fortes que sur eux (les admins sont 180 et balaient quand ça les chante, par exemple).

lundi 8 décembre 2008

CenSSure

La photo que vous voyez ci-dessous m'est théoriquement interdite d'accès: vous en avez peut-être déjà entendu parler (notamment sur le blog d'Anthere ou celui de FredO), mais une ONG britannique a décidé qu'il s'agissait d'une image de pornographie infantile et qu'elle devait être censurée. Plusieurs fournisseurs d'accès de la clairement perfide Albion se basant sur la liste établie par cette ONG pour filtrer le contenu accessible par leurs abonnés sur internet, ainsi que, visiblement, le fournisseur du pare-feu de mon entreprise, j'ai eu droit à un message d'erreur en voulant accèder à l'article correspondant. Sauf que ce qui vaut pour Wikipédia ne fonctionne pas chez Amazon, où j'ai copié ladite image:

Bon, c'est moins pire chez moi que chez les Grands-Britons, parce que je peux encore éditer alors que là-bas c'est le problème principal, à savoir que le blocage en édition partout est apparemment collatéral à la censure d'une seule page (à confirmer).

Outre le fait que cela pose avec une certaine acuité la question du fair use, on est en droit d'avancer quelques autres remarques intéressantes:
  • Depuis quand les Organisations Non-Gouvernementales sont-elles en charge de dire le bien du mal en lieu et place de l'État? Qui contrôle leurs critères, et à qui rendent-elles des comptes, notamment si leur tentative de blocage ne fait que souligner l'incompréhension totale qu'elles ont d'Internet?
  • Est-ce que le David de Michel-Ange, avec ses coucougnettes en marbre, House of the Holy de Led Zeppelin et Nevermind, de Nirvana, sont les prochains sur la liste? Et si non, pourquoi?
  • Et si l'on plie sur cette question, faudra-t-il revisiter l'opportunité d'afficher les caricatures de Mahomet, tout aussi choquantes pour, oh, quelques centaines de millions de personnes?

Mise à jour:
la Fondation a sorti un communiqué sur la question, et Wikimedia CH est en ordre de bataille pour la presse également.

Le Client est-il roi?

Il m'est arrrivé hier soir deux choses, dont l'une était passablement hors du commun:
  1. Je suis allé traîner mes guêtres sur le canal IRC dédié à Wikipédia-fr, comme une fois tous les 6 mois;
  2. On m'a encore sorti un mot que je ne connaissais pas.
Ledit canal est cet endroit tellement incroyablement secret qu'il faut au moins être admin pour y accèder. Ou pas: on peut aussi simplement aller lire le chapeau du Bulletin desdits admins, où l'adresse est indiquée en toutes lettres - mais ça fait moins cabalistique. Bref, c'est là que se fomente la version francophone de la chute de la civilisation occidentale, et ce dans une ambiance ma foi fort conviviale.

L'autre truc, c'est qu'un esprit éclairé y a parlé de méthonymie. Ce qui est une grave erreur, vu qu'en fait c'est plutôt de métonymie qu'il aurait du causer. C'est important de le préciser parce que d'une part, comme l'indique en tout premier l'introduction de l'article correspondant, il ne faut surtout pas confondre avec une synecdoque; et d'autre part, parce que si l'on cherche dans le Wiktionnaire on ne risque pas de le trouver, vu que l'orthographe est fausse1.

Sauf que si l'on cherche "Métonymie" dans le wiktionnaire on ne trouve pas non plus. Le Wiktionnaire, voyez-vous, différencie les majuscules et minuscules à la première lettre, ce que wikipédia ne fait pas, par exemple (et donc où cheval et Cheval donnent la même chose). Le problème c'est que j'ai cherché un mot orthographié convenablement, et que celui-ci n'était pas disponible parce que, figurez-vous, la redirection de Métonymie vers métonymie a été effacée sous le prétexte suivant: "Redirect inutile".

Je ne connais pas l'admin qui a fait ça et ça m'embête de lui casser du sucre sur le dos, mais c'est ce que j'appelle avoir le nez dans le guidon. On m'a dit, devant ma surprise, que les gens du Wiktionnaire n'aimaient pas trop mélanger les majuscules. Je peux comprendre, mais d'un autre côté je m'en fous: je cherchais un mot, pas un manuel de style sur un projet où je ne participe pas, et le fait est que si je n'étais pas revenu ausculter la page pour y trouver un misérable "
Il existe un article métonymie (en minuscule)" perdu au milieu d'une boîte de texte que je n'avais initialement pas pris la peine de lire parce qu'elle ne contenait visiblement pas la définition cherchée, eh bien je me serais couché aussi bête que le matin même.

Bref, en clair on a un outil qui permet de faciliter la recherche, qui permet d'éclairer l'ignorance des masses, et on l'ampute d'une redirection qui ne mange pas de pain (ça n'est pas comme si on avait eu le choix entre État et état) parce que, en substance, ça n'est pas comme ça qu'on fait2.

Ca me rappelle ces intellectuels qui crachent sur wikipédia parce que "ça n'est pas comme ça qu'on fait" pour transmettre les connaissances. C'est sûr que vu l'audience que fait TF1, les anciennes méthodes marchent à fond et qu'on fait bien de les reproduire.




1: Et c'est là l'un des rares avantages des ouvrages papier, à savoir qu'avec les trois premières lettres justes j'aurais trouvé sans problème.
2: J'ai volontairement alterné au long de ce texte les majuscules et minuscules pour écrire Wikipédia et Wiktionnaire. Que ceux qui ont remarqué lèvent la main, et parmi ceux-là qui auront été empêchés de comprendre le texte lèvent l'autre main.

vendredi 5 décembre 2008

Etat des lieux

Avant de vouloir du passé faire table rase, ce ne serait pas un mauvais exercice que d'essayer de savoir en premier lieu ce qui dans le Comité d'Arbitrage (CAr) de Wikipédia pose vraiment problème (outre, évidemment, les forcenés qu'on y traîne à l'occasion), ou en tout cas ce qui mérite d'y être changé / amélioré / corrigé / remplacé. On réfléchira par la suite aux options disponibles et innovations envisageables, pour l'instant essayons de faire les choses bien en les faisant plus ou moins dans l'ordre.

Parce que c'est à la mode de faire des listes ou des articles sur des trucs d'actualité, et que personne ne peut nier qu'on a un souci de dimension internationale, j'ai donc créé l'article Liste des problèmes à résoudre dans le fonctionnement du Comité d'Arbitrage. Je plaisante, bien sûr, la liste se trouve ci-dessous et n'est pas exclusive ni classée:
  • Lenteur des arbitrages: je me demande pourquoi il faut déjà deux semaines pour jeter un oeil à la demande et décider s'il s'agit d'un conflit de fond ou de forme, et s'il est récent ou bien ancré,
  • Lenteur des arbitrages (bis): le rendu de la décision est souvent lent, très lent (voir ici pour un rafraîchissement), et c'est me semble-t-il source de frustrations;
  • Clarification des rôles: là je ne sais pas trop ce que j'entends exactement, mais j'ai comme dans l'idée que ce serait une bonne idée de lister les fois où le CAr a vu ses décisions contestées par une ou des parties parce que "il n'avait pas le droit" (mais que d'un autre côté rien ne lui interdisait non plus de faire dans l'innovation);
  • Clarification des rôles (bis): en fait si, j'ai une idée. Je me demande si le CAr a vraiment besoin de juger des cas issus des régions intrinsèquement trollogènes du projet (genre le Bistro et les Pages à Suppimer). Après tout, ça n'est pas comme si les gens devaient être surpris d'être blessés quand ils mettent les pieds dans un endroit où les couteaux volent bas;
  • Intervention de tiers: j'ai parfois l'impression d'être le seul à être choqué (ou plus exactement surpris) par le contenu des pages de discussion des derniers arbitrages. Je doute de l'utilité (à part en tant qu'exutoire) de la plupart des interventions - mais bon, il y a aussi des témoignages intéressants, il faudrait juste canaliser tout ça;
  • Manque de candidatures: peut-être était-ce un accident la dernière fois, mais je n'ai pas eu l'impression que l'appel à candidatures avait initialement soulevé les masses;
  • Problème du manque de lisibilité: une façon diplomatique de dire qu'à vouloir ménager chèvre et chou le CAr a parfois préféré renvoyer les parties dos à dos, au grand dam de beaucoup qui avaient un peu l'impression de retourner à la case départ;
Tout ça ce ne sont que les problèmes que l'on voit de l'extérieur - et qui me viennent à l'esprit juste maintenant, mais je crois avoir capturé au moins les principaux. Je serais curieux de savoir si les (ex-)arbitres, qui voient le fonctionnement du bouzin de l'intérieur, ont d'autres soucis que ceux-ci (les pressions externes, par exemple?).

mercredi 3 décembre 2008

Schadenfreude

Ainsi donc les anglophones sont en train d'élire les membres de leur Arbitration Committee (ArbCom). Pour les lecteurs peu familiers des autres wikis, il s'agit de l'équivalent de notre Comité d'Arbitrage (CAr) à nous; à mon lecteur non-wikipédien, je dirai que le CAr est une vague réminiscence de Cour de justice où l'on vient joyeusement laver son linge sale en famille dans l'espoir que celui d'en face aura suffisamment de taches pour être puni.

Première constatation: chez eux c'est trrrrès différent de chez nous:
  • Le dernier ArbCom avait treize membres, dont un qui est parti en indisponibilité -les francophones sont 10, dont un disparu sans laisser d'adresse;
  • Les candidats sont élus pour trois ans, par rotation d'un an (soit trois groupes) - les francophones pour douze mois, par rotation de 6 mois (soit deux groupes);
  • On reproche aux membres du Committee de se chamailler entre eux - un arbitre francophone a démissionné en traitant pour ainsi dire ses collègues de branleurs;
  • On reproche au dernier Committee d'être lent - le Comité francophone attend simplement que les délais de recevabilité soient dépassés pour se prononcer sur, euh, la recevabilité;
  • On reproche au Committee de rendre des décisions quasi-inutiles et renvoyant les protagonistes dos à dos - ...
Vous aurez compris qu'en fait ça n'est pas si différent que ça. Le seul contraste notable selon moi est que plusieurs personnes ont ouvertement pris position pour tel un ou tel candidat (genre "votez machin, il est bien"). Je mettrais cela sur le dos de la différence culturelle, de la même manière qu'en Amérique du Nord il est très normal d'orner sa pelouse d'un pancarte de soutien à son candidat favori en période d'élections. Je trouve ça très sain, mais là n'est pas le sujet.

Or doncques, les critiques visant les deux Comités sont sensiblement les mêmes. Dès lors, comme dit l'autre, si une institution à un problème avec une personne, c'est que cette dernière cause souci. Si la même institution a le même problème avec plusieurs personnes, il est tout de suite beaucoup plus probable que le souci vienne de l'institution elle-même.

J'avais déjà évoqué le sujet il n'y a pas trop longtemps - je m'excuse de manquer d'originalité, mais là c'est important: on a quand même ici un outil qui est aussi mal fichu qu'il a le potentiel d'être (ou a été) utile1. Je propose donc de nous retrousser les manches du cerveau pour trouver une solution un peu moins bancale que le statu quo actuel. Peut-être même que si on réussit, ça sera la gloire interwiki (sous la forme d'une reprise du mécanisme nouvellement devisé). Mais je m'emballe un peu.

Heureusement, j'ai un Plan2 (avec un P).

La bonne nouvelle, c'est que ça devrait me donner du matériel pour plusieurs billets sur ce blog.

La mauvaise, c'est que pour l'instant le Plan™ est livré sans garantie aucune3.


(à suivre)

1: Et qu'il soit utile ou pas selon X ou Y on s'en fiche - il répond à une demande, et ça n'est pas en tuant les mauvais toubibs qu'on fait disparaître les symptômes.
2: Celui-là je rêvais de le placer depuis des semaines.
3: Le Plan™ vous est proposé sans garantie de succès. Popo le Chien et par son intermédiaire ses amis, parents, alliés et tous autres ayants droits, décline par avance toute responsabilité dans l'échec ou l'abandon du Plan, notamment mais pas exclusivement dans des situations de grève, bris de matériel, blessure, décès, capture (et licenciement) par son employeur, pénurie d'idées, de temps, de motivation ou tout autre événement dépendant ou indépendant de sa volonté et de son humeur parfois changeantes. En cas d'échec du Plan™, notamment, vous ne pourrez arguer de celui-ci pour réclamer des dommages ou compensations de la part de Popo le Chien, ses amis, parents, alliés et tous autres ayants droits, dont la démission de quelque fonction, emploi ou poste, ce sur la base de l'échec ou de la réussite supposée ou affichée du Plan™, est exclue. En lisant ces lignes et revenant subséquemment sur le Blog le Choix du Chaos™, vous donnez votre accord irrévocable pour céder toutes idées et droits associés qui pourraient, ou pas, être utilisés dans la mise en œuvre du Plan™. Vous vous engagez par ailleurs à participer à un examen critique du Plan™ dans la mesure de vos envies, opinions, idées ou desideratas et, à tout le moins, à ne pas mettre en œuvre de méthodes dilatoires et démotivantes du style "c'est nul" ou "ça ne marchera jamais". En cas de rupture de cet agrément, et notamment de l'engagement précédent, Popo le Chien et par son intermédiaire ses amis, parents, alliés et tous autres ayants droits vous engagent à aller vous faire voir chez les Grecs et essayer de proposer mieux. La lecture de ces lignes ne constitue pas une cession contractuelle de votre âme à Popo le Chien, ses amis, parents, alliés et tous autres ayants droits.
Tous droits réservés.

mardi 2 décembre 2008

Le Bureaucrate

Les administrateurs sont, nous l'avons bien vu, des superhéros des temps modernes. Les administrateurs sont forts; ils sont (souvent) beaux (et les administratrices sont belles); ils sont intelligents; les vieilles dames se lèvent pour leur laisser la place dans le bus - mais ils s'en moquent parce qu'ils roulent en Ferrari; ce sont des islamo-jacobins qui ne songent qu'à imposer une pseudo-vérité sioniste; ils chassent le troll sans relâche ni pitié; ils interviennent en tout temps et sur tout sujet avec équanimité; ce sont des frustrés staliniens qui imposent leur arbitraire fasciste; ils ne sont pas au-dessus des lois, ils sont la loi. L'en-tête initial du Bulletin des Administrateurs était "l'Olympe"; mais comme ils sont humbles, les administrateurs l'ont simplement renommé "le BA". Tout le monde sait bien que c'est l'Olympe de toute façon, il n'y a qu'à voir le nombre de gens qui le consultent sans (pouvoir) prendre part aux discussions qui s'y tiennent.

Bref, être administrateur c'est un peu l'extension pénienne qu'on nous promet tous les matins par email depuis que l'internet existe. Et encore, je ne parle pas des autres avantages.

Et puis il y a les bureaucrates.

Personne ne sait vraiment ce que fait le bureaucrate - ou ce qu'il ne peut faire. Si l'ombre avait une ombre, c'est là qu'on trouverait le bureaucrate. Rare et peu disert1, son bulletin est aussi fréquenté qu'un terril de Lorraine un dimanche de pluie.

Dès lors, les seules raisons pour lesquelles on s'adresse au bureaucrate sont:
  1. Parce qu'on vient de se faire élire administrateur;
  2. Parce qu'on veut changer ou usurper un pseudonyme;
  3. Parce qu'on croit (à tort, mais j'avoue ne pas trop comprendre moi non plus pourquoi) que les bubus peuvent retirer les droits d'admins à ceux qui quittent le projet.
Soit dans l'ordre l'ambition, la quête d'identité, la perte de foi.

En vérité je vous le dit, les bureaucrates sont pour Wikipedia un croisement entre le ranger solitaire et l'assistante sociale, chargés d'appuyer sur un bouton selon la vox populi, ou d'intercéder (sans résultat garanti) auprès d'autres bureaucrates, sur d'autres wikis et dans des langues étranges (voire carrément étrangères). Et pour le point 3 ci-dessus, je confirme qu'on n'y peut rien, sinon donner l'adresse du cimetière des éléphants.

Les admins ont pour emblême le balai Smith & Wesson; je me demande quel pourrait être celui des bubus. Le sablé au beurre d'Ouzbékistan?


1: A part un, visiblement ^^

samedi 29 novembre 2008

Vous avez un nouveau message

"Bonjour Monsieur Popo le Chien - soir par ici, puisque je suis belge et qu'il est 23h12.

[Ceci n'est pas un message d'insulte !]

Hey qu'est-ce qui se passe?

Pourquoi t'as supprimé l'article Sceli le Rapper? Celui qui subit une sentence grave peut encore prononcer un dernier mot. J’ai certes commis une erreur en votant deux fois dans une PAS. De l'humour, n'importe qui peut le voir: je n'insistais même pas !

Mettre son image avec les Bains d'Apollon en fond, cela fait un peu lourd, même pour un conservateur de sculptures. Je vais bientôt entrer en coflit d'édition avec lui car il veut absolument que le style xyz (voir page à ce nom) se prolonge sous le Second Empire, ce qui est faux.

J'ai lu les raisons de cette suppression, et j'avoue qu'effectivement, mon article n'avait rien à faire dans Wikipédia. Je précise que je suis l'auteur du texte que je propose à wikipédia (figurant à l'origine sur mon myspace. Ne croyez-vous pas que cet artiste répond aux critères d'admissibilité exigés par wikipedia? Si tu peu me dit clairement la marche à suivre, en 3 ou 4 simples étapes, je t'en remercie par avance. merci de me sortir de là, parce qu'il n'y a rien de pire que de créer un lien et de le voir en rouge quand on en a créé l'article, de surcroît !

Це нова сторінка. Cela ne va pas come texte ?

Je suis journaliste pour le quotidien 20 minutes et j'ai été missionnée dans ce but pour intervenir sur Wikipedia. org - le portail des entreprises. J'ai une grosse difficulté avec un autre administrateur qui refuse de discuter avec moi, je m'adresse donc à une dizaine de ses collègues. Je conteste son statut d'administrateur car il s'amuse à abuser de son statut pour empêcher le travail des rédacteurs et contributeurs. J'ai remarqué qu'avec ce genre de dingues, il est toujours préférable de ne pas avoir le dernier mot...

j'aimerais aussi souligner que [[Serge Gainsbourg]] a écrit une chanson qui s'appelle Pamela Popo, et que Popo (qui veut dire oui oui en Albanais) est un mot tout à fait original et positif. Un grand merci pour votre travail, c'est un bonheur que d'avoir Wikipedia.

Bloquez-vous/nous, avec vos amis, dans votre petit monde de "frustrés". Le Seigneur nous aidera à vous démasquer.

Cordialement (et presque amicalement, dis donc)"

Signé: quelques-uns parmi la centaine de personnes qui m'ont écrit depuis que j'ai commencé à conserver mes emails il y a deux ans.

Une petite note pour dire que le Secret de la correspondance, puisqu'il est régulièrement d'actualité, n'est protégé que de la divulgation ou interférence par un tiers. Émetteur et récepteur peuvent en faire ce qu'ils veulent (dans la mesure où ce n'est pas pour nuire à la bonne réputation de l'autre).

mercredi 26 novembre 2008

Le balancier

N'étant pas moi-même omniscient, j'avoue avoir une tolérance assez élevée vis-à-vis des ignares qui admettent leur statut. Ayant par ailleurs vécu au Canada, où un ami m'avait fort justement signalé qu'avec un pays de la taille d'un continent il était parfois difficile de se tenir au courant de ce qui se passe dans le reste du monde (excuse cache-sexe d'un système scolaire médiocre pour la culture générale, mais pas totalement fausse non plus), je suis encore plus tolérant des ignares de ce coin là. Cela explique probablement en partie que j'étais prêt, récemment, à ne pas sévir outre-mesure contre le dérapage autrement inexcusable du très québécois Jimmy Lavoie du moment qu'il venait de présenter des excuses qui avaient l'air sincères1. Celui-ci venait en effet de marquer un superbe point Godwin en comparant une prise de décision sur les blasons à la mise en œuvre de l'Holocauste. Traitez moi de cynique, mais je suis convaincu que du moment où l'on croit avoir touché le fond en terme de bêtise il y a forcément quelqu'un, quelque part, qui est sur le point de s'acheter une pelle et une pioche.

Bref j'indique succinctement mon point de vue sur le bulletin des admins (BA), et retourne prestement vaquer à des occupations autrement plus bourgeoises.

J'ai visiblement sous-estimé l'enjeu, parce que la conversation a sensiblement duré et que passant le lendemain j'y découvre une remarque totalement pertinente et qui m'a néanmoins particulièrement interpellé, ne serait-ce que parce qu'elle me vise directement:
C'est marrant, c'est toujours les mêmes qui viennent, sur le BA, implicitement s'opposer aux mesures de blocage à l'encontre de certains pénibles.
Ce tacle plus factuel que franchement hostile vient de l'inimitable (heureusement) Hégésippe Cormier, qui confirme quelques lignes plus loin qui sont "les mêmes" (moi, entre autres).

Et là je me dis: "Tiens c'est marrant, il a raison".

Que les choses soient claires - j'ai un ego suffisamment développé pour ne pas avoir besoin de le rassurer en affichant mon avis à tout bout de champ sur le BA2. J'estime cependant que 95% de mes interventions au sujet d'un blocage sont motivées par le fait qu'il y a dans la discussion en cours un principe x ou y à mettre en perspective, à défendre ou en tout cas à rappeler à l'attention de tous. Ce principe, dans 95% de ces 95%, c'est
"Nous ne sommes pas là pour éduquer les gens à coups de blocages, mais pour faire en sorte que le projet tourne correctement".
Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas bloquer, mais qu'il faut que ça serve à quelque chose vis-à-vis du projet. Nuance.

Tout cela est bien beau me direz vous, mais non seulement suis-je en train de vous donner un avis non sollicité, mais ça n'explique pas vraiment pourquoi je suis toujours parmi ceux qui lèvent la main pour dire stop quand Hégésippe se prend à jouer les pères fouettards.

Dans ce genre de situation, il est bon d'avoir sous la main quelque réflexion érudite, en l'occurence ici un article de MM. Carillo et Castanheira intitulé "Information et polarisation politique stratégique"3. Ces messieurs nous disent un truc très vrai, à savoir que dans le cas où deux candidats ont des positions distinctes,
"[p]our les niveaux d'information intermédiaire, le seul point d'équilibre est atteint lorsque les candidats proposent des politiques différentes de l'optimal de satisfaction de l'électeur médian. En revanche, la convergence vers la médiane se produit lorsque la qualité est (presque) toujours ou (presque) jamais révélé."
J'essplique.

Rapporté au BA, on retrouve facilement ce concept d'information parfaite ou complètement cachée qui permet un blocage net et sans trace:
  • Si elle est parfaite, c'est la situation où un troll vient d'écrire "pipi-caca-prout vive Tokio Hotel".Tout le monde comprend qu'il n'apporte rien à l'encyclopédie et approuve le blocage;
  • Si elle est cachée, il s'agit d'un admin demandant le blocage d'une personne auquel il est le seul à avoir eu affaire (généralement sur un sujet particulièrement obscur). La confiance va au jugement de l'admin, et le troll est bloqué presto par un collègue compréhensif.
Un niveau d'information intermédiaire est rencontré lorsque divers paramètres entrent en jeu, notamment le fait que le fâcheux désigné est un contributeur autrement sérieux, qu'il vient d'un contexte culturel que d'autres comprennent (ou pensent comprendre) un peu mieux, que l'insulte n'est pas claire et nette (un sarcasme que certains trouveraient bénin voire drôle), etc. etc. Tout le monde s'accordera à penser que c'est souvent à ce moment que la dissension apparaît sur le bulletin. La solution optimale pour l'électeur (i.e. les autres admins qui ne se prononcent pas d'emblée mais qui au final exprimeront la décision finale) est dès lors quelque part entre la punition et la relaxe, mais on ne sait pas trop où (c'est d'ailleurs pour ça qu'ils ne se prononcent pas d'emblée).

Interviennent alors ceux qui, comme Hégésippe Cormier et moi, ont un "programme" clairement défini, le sien étant -ce n'est là que mon interprétation, je l'engage à me corriger- plus dans le registre "fâcheux un jour, fâcheux toujours, et on peut très bien faire sans, merci bien." D'où les appels répétés, systématiques et quasi-constants pour des sanctions exemplaires (avec force surlignements, des fois qu'on ait mal lu). Deux programmes souvent en opposition donc, et qui se neutralisent l'un-l'autre et forcent un équilibre qui ne satisfait vraiment personne entièrement mais empêche à peu près qu'on frappe trop ou pas du tout.

La morale qu'on peut tirer de tout cela, car il y en a une, c'est que ce ne sont pas "toujours les mêmes" qui contesteront le niveau de dureté des blocages (et d'ailleurs rarement le principe du blocage en soi). Au contraire, c'est qu'à chaque fois qu'une proposition sera excessivement polarisée, il y aura toujours quelqu'un pour soutenir une option contraire. Et la décision finale sera probablement quelque part entre les deux.

C'est comme ça, et c'est ma foi très bien.



1: J'assume assez facilement la bonne foi, je l'avoue.
2: Le blog c'est différent, parce que ce n'est pas à chaud. Quand on répond du tac-au-tac c'est un avis, quand on le fait deux jours plus tard, c'est une réflexion.
3: Juan D.Carrillo, Micael Castanheira, "Information and strategic political polarisation", Economic Journal 118 (530), pp. 845-874; 2008. Inscription payante requise pour l'accès.

mardi 25 novembre 2008

Le crime paie

Il est des moments où il faut bien se demander si les gens sont vraiment des andouilles, ou bien si seulement les journalistes le sont, auquel cas en écrivant leurs articles ils pensent s'adresser à leurs pairs. D'un autre côté, les journalistes étant aussi des gens, la seule certitude que l'on peut avoir est bel et bien qu'ils ont tout le potentiel pour faire montre d'une ignorance parfois souvent abyssale.

J'essplique.

Le New York Times magazine du week-end dernier publie un article sur Virgil Griffith, l'inventeur du WikiScanner, programme par ailleurs sympathique qui permet de lier les IP anonymes commettant des éditions sur Wikipédia à leur propriétaire institutionnel, dans la mesure où cette adresse est fixe (bonjour la CIA!1). Si vous vous souvenez du buzz généré dans le courant de l'année dernière, ce n'est finalement qu'un article parmi d'autres sur le sujet: on élargit simplement l'angle en nous contant la (courte, à 25 ans elle est forcément courte) biographie d'un jeune prodige, d'un rebelle, d'un génie sulfureux dont on apprend que, plus jeune, il aimait bien tricher au jeu vidéo X-Wing et que ce fut l'épiphanie de sa carrière de Rebelle des Réseaux. Merci Virgil, grâce à toi les tricheurs sont pris la main dans le sac grâce aux empreintes graisseuses de leurs mains pleines de doigts; désormais tout va bien, le petit gars fait la nique aux grands monopoles, personne ne peut plus tricher, Big Scanner is Watching You.

Visiblement, aucun de ces journalistes de haut vol n'est vraiment allé s'enquérir du fait que l'enregistrement sous pseudonyme augmentait grandement l'anonymat du mécréant lambda: en effet, contribution sous pseudo = pas contribution sous IP = WikiScanner inutile. Pas un mot non plus sur le Check-User, qui permet de soulever le voile, et ses limites auto-imposées. Ce que cela nous apprend en fin de compte, c'est que l'immense majorité des gens (les journalistes étant des gens, souvenez vous) n'a aucune idée du fonctionnement de Wikipédia - ou, plus généralement, d'internet.

Le pire, c'est que je suis sûr que ce genre de news a du décourager pas mal de "réarrangeurs" potentiels. Comme quoi, à quelque chose mésinformation est bonne.


1: N'oublions pas que les espions sont aussi des gens.

lundi 24 novembre 2008

Régiocentrismes

Ceux d'entre vous qui ont la chance de disposer d'Ubiquity (sous Firefox) n'auront pas manqué de goûter le génie de la commande de traduction: surlignez un passage, pressez deux touches et voilà, le texte apparaît dans la langue de votre choix (ou presque, on a encore souvent affaire à un charabia).

J'ai donc décidé d'appliquer cette nouvelle capacité à l'exploration des Articles de Qualité (AdQ) de wikis "exotiques", soit ceux dans des langues dont parfois même l'alphabet m'est indéchiffrable. Et là m'est apparu un truc qui pourtant est évident, à bien y réfléchir, c'est que pratiquement chaque édition linguistique dispose d'un ou plusieurs AdQ dont le concept même est étranger aux autres, un sujet qui paraît tellement obscur pour les uns que personne n'a pris la peine de même créer une ébauche, alors que d'autres l'ont considéré suffisamment important y passer de longues heures à le documenter.

Exemples en vrac:
  • Les arabophones, par exemple, ont un Mouvement du 8 février 1963, qui nous conte l'histoire du coup d'état irakien qui aboli le régime marxiste en place et permet au jeune Saddam de commencer à grimper;
  • Les Coréens ont pour leur part un petit quelque chose sur le pool de presse officiel de la République de Corée (celle du Sud, donc), et sur l'armée de libération coréenne, guérilla communiste de la fin des années 1940 dans le Sud. Je ne sais pas si c'est alimentaire, mais je dirais qu'un bon quart des AdQ coréens (ils ne sont pas nombreux, le système n'a pas l'air d'avoir pris là-bas) sont dédiés à des poissons ou mammifères marins;
  • Cut Nyak Dhien est une héroïne d'Aceh qui lutta contre le colonisateur néerlandais (bon au moins celui-là est en trois bahasas);
  • Les Grecs, eux, ont un truc sur l'archevêque Jacob (?), qui a sûrement fait plein de trucs bien mais Ubiquity (ou Google translate, sur lequel il repose) ne lit malheureusement pas le grec. En tout cas pas celui-là. Peut-être est-il religiophobe lui aussi;
  • Les Finlandais ont eux au moins eu la bonne idée d'adopter l'alphabet latin pour nous entretenir de leur procédure administrative. On a toujours de la place pour la grosse déconne chez les Scandinaves, c'est bien connu, et je vous le recommande chaudement (ou pas);
  • Le Séminaire du Saint-Esprit à Hong-Kong est, vous l'aurez deviné, l'apanage de la seule antenne sinophone. Ce qui me surprend un peu vu que l'île est complètement bilingue - l'article sur le métro de la ville est par exemple AdQ à la fois sur le wiki chinois et sur celui en anglais;
  • Les Japonais, enfin, ont bien des choses à dire sur le soulèvement de Matsue, mais pour l'instant on ne sait pas trop quoi vu que personne d'autre ne semble connaître.
Bref, plein de choses qui semblent vouloir rester bien confidentielles. Ou pas. Car on s'aperçoit de deux choses en survolant tout cela:
  1. Les articles non traduits ne sont qu'une infime minorité du lot, et pourtant certains m'ont paru vraiment tout aussi, voire plus, restreints que ceux cités plus haut;
  2. Beaucoup de traductions semblent transiter par :en, qui agit dès lors comme plate-forme de diffusion et de promotion.
Du coup, quand je vois que l'excellent mais historiquement et géographiquement anecdotique article Du battant des lames au sommet des montagnes est déjà presque intégralement disponible en anglais, je me dis qu'en fait ce n'est pas une question de goût, mais simplement de temps avant qu'on en sache plus et mieux sur un peu tout.

A l'opposé, quel est selon vous l'article qui a pour l'instant été le plus souvent promu? Et combien de fois (il y a 260 wikis, mais il n'est pas -encore- présent sur tous)?

jeudi 20 novembre 2008

Wikipédia, travaux inédits et univers de fiction

Premier post d'un invité - c'est la fête!
En me baladant sur Wikipédia, ou plutôt entre les Wikipédia, j'ai constaté des différences considérables de traitement des univers de fictions. Ces différences doivent, à mon sens, faire réfléchir sur la manière d'appliquer la règle interdisant les travaux inédits.

Ma promenade est partie du triste état dans lequel se trouvent la plupart des articles consacrés aux mangas. Je sais que le label n'est pas tout, mais aucun AdQ, un article d'avancement A (l'article manga lui-même) et deux BA (Miyazaki et Pokémon), c'est un peu court. C'est surtout assez insuffisant pour contrebalancer la masse d'articles se réduisant à un vague synopsis rédigé par un kikoolol de passage. Remarquez que la bande dessinée franco-belge se porte à peine mieux en dépit d'une littérature secondaire plus abondante. Les univers de fiction littéraire semblent mieux s'en tirer : le Projet Terre du Milieu (Tolkien) arbore ainsi deux AdQ et deux BA.

EvangelionLa comparaison entre les deux premiers m'incite donc à penser que ce n'est pas l'existence des sources secondaires qui compte. La comparaison avec la fiction littéraire me semble mettre en valeur un point de divergence important : alors que les articles sur le monde de Tolkien présentent des synthèses descriptives des éléments saillants de l'intrigue et de l'univers, les essais pour développer les articles sur les manga me paraissent très peu convaincants. J'en prends pour témoin l'article Evangelion, qui mélange :
  • des éléments de bases de données (avec tous les doubleurs, les dates de sortie et tous les jeux vidéos destinés à alimenter la pompe à fric du studio Gainax) ;
  • un style souvent non-encyclopédique ;
  • surtout, la prétention à des analyses « profondes » peuplées de grandes généralités (et se trouvent affublés d'un inévitable bandeau TI).

À mon sens, c'est surtout ce dernier point qui pêche. Quand une série dépasse le niveau du synopsis kikoolol, elle vient avec un ensemble de fans en quête d'une légitimation pour leur série-culte, et qui donc copient (mal) le type de ton et d'analyse qu'on retrouve dans l'étude des œuvres réputées sérieuses. Évidemment, cela blesse sur deux points. D'une part, les auteurs de ces essais d'analyse ont rarement la formation qui leur permettrait de produire le type de travail sur lequel s'appuient les
articles sur La Comédie humaine. D'autre part, comme il s'agit de sujets dédaignés par la sphère académique, il n'y a pas ou peu de source secondaire en ce sens. Ils sont donc condamnés à produire du TI, et du mauvais. Inutile de m'accuser ici d'élitisme. Des pseudo-anlyses de ce type, j'ai ai pondu des kilomètres. L'exercice n'est pas dépourvu d'intérêt, autant pour celui qui s'y livre que pour les autres fans, mais n'a simplement pas sa place sur une encyclopédie généraliste comme Wikipédia.

Faut-il pour autant s'abstenir ? Au contraire ! Si ces sujets ont une place, c'est bien sur Wikipédia. Mais à condition de se restreindre à ce qui peut être fait. Ici, un détour par la Wikipedia anglophone et les comics s'impose. Que penser de Wolverine ? L'article est conséquent (bien que seulement de niveau B), avec une histoire à la fois externe
(création, publication) et interne, rédigé dans un style neutre, très complet et avec un plan facilement compréhensible. Pourtant, il s'agit d'un pur TI : les auteurs de l'article ont directement travaillé sur l'œuvre originale pour produire cette synthèse. Cela la disqualifie-t-elle ? À mon sens, non. Au contraire, la qualité du travail fourni, le travail
scrupuleux de sourçage et l'absence très probable de nombreuses sources secondaires rendent évidente l'admissibilité de l'article. L'ampleur de ce travail devient encore plus évidente quand on navigue dans la nébuleuse des articles consacrés à l'univers des super-héros Marvel. Tous les articles sont articulés sur le même plan, simple et clair, et sourcés de la même manière. Même des articles chargés en bandeaux, comme Cyclops feraient bonne figure parmi les articles de WP-fr.

Surtout, ces articles sont largement dépourvus des défauts que je signalais dans les articles francophone : pas d'essai personnel ni de tentative de légitimation. Tout cela est renvoyé à l'article générique X-Men.

À mon sens, il y a là une morale à en tirer. Il est possible, en étant très systématique et très descriptif, de surmonter l'obstacle représenté par l'interdiction des travaux inédits quand on s'intéresse à des sujets marginaux. C'est justement là un service à leur rendre. Avis donc aux vrais amateurs de manga prêts à venir donner une meilleure image de ce genre graphique.

Peer pression

Les krypto-stasistes, c'est déjà tellement le week-end dernier! Désormais, l'autre sujet qu'il faut bien estimer majeur dans la blogosphère wikipédienne semble être la demande d'arbitrage Mica c/ Addacat, où deux contributrices ma foi a priori sérieuses (en tout cas pour l'une que j'ai rencontrée; l'autre étant dans la maison depuis un certain temps déjà on peut gager qu'elle l'est également) en sont venues à se lancer joyeusement des accusations d'aggressivité et malhonnêteté intellectuelle. Je dis sujet majeur, parce que si l'on est (un, deux) trois à en causer et que nous sommes (quatre, cinq) blogueurs réguliers sur le sujet wikipédien1, ça nous fait finalement une petite majorité.

Bref, tout ça pour dire que l'on a un arbitrage en souffrance depuis plus de deux semaines pour la simple déclaration de recevabilité, que le seul arbitre ayant répondu dans les délais s'est récusé, et que ceux qui se sont finalement prononcés (trop tard, puisqu'après quinze jours la demande est réputée recevable) étaient contre.

Il faut bien se rendre à l'évidence: les arbitrages emmerdent tout le monde, à commencer par ceux qui se sont portés volontaires pour se pencher dessus.

Je n'ai jamais été vraiment tenté par le rôle d'arbitre parce que j'ai passé l'âge wikipédien où il est amusant de sauter pieds-joints dans un débat pour essayer d'en trier bon grain et ivraie. Un arbitre aurait forcément un meilleur point de vue à donner sur la question, mais je vois d'emblée quelques raisons à ce désamour:
  1. Le manque de sang: il est plus intéressant de se prononcer sur un conflit opposant les admins, parce que ses résultats modifient ou influencent (ou l'on penserait que) certains rapports de forces et sont donc déterminants (ou l'on penserait que) pour le fonctionnement de l'encyclopédie. Les conflits entre admins sont d'une violence rare, mais on peut être sûr que tout le monde aura son avis dessus;
  2. La durée du mandat. Un an c'est long. Un an à jouer les Salomon quand on est à l'origine venu écrire des articles et que l'espérance de vie du contributeur est de 2-3 ans, c'est très long;
  3. Corollaire: la tendance affichée à vouloir élire des contributeurs établis revient à favoriser des gens dont l'enthousiasme vis-à-vis du projet touchera bientôt à sa fin;
  4. Les administrateurs ont, de plus en plus, commencé à assumer ce rôle d'élimination systématique des monomaniaques et autres idéologues (ce qui explique probablement la baisse des requêtes et n'est pas un mal en soi tant que le cas est clair - on économise temps et frustration pour les plaignants qui sont, eux, de bonne foi). Le contre-coup de ce glissement est probablement un sentiment de redondance de la part du corps arbitral (qui est en partie constitué d'admins), surtout si lesdits admins commencent en fait à éliminer tous ceux qui ne marchent pas droit tout court.
Il va donc falloir un de ces jours sérieusement repenser le fonctionnement d'un machin qui a pourtant montré son utilité, notamment pour évacuer des tensions ou simplement comme unique voie de recours pour les désysopages; en définir plus clairement les mandats et limites; faciliter et pacifier son fonctionnement (je pense surtout aux délais et à la page de discussion des arbitrages, qui sert trop souvent de déversoir à bile); élargir son accès à des gens qui n'ont pas déjà tout vu, tout lu, en termes de mesquineries et politicailleries; éventuellement réhausser le statut des arbitres pour susciter des vocations - soit en les érigeant en contre-pouvoir affirmé des admins, soit en les présentant comme une voie royale au contraire vers l'adminat, en tout cas probablement en supprimant la possibilité de double mandat (si j'ai deux heures par jour pour contribuer à Wikipédia -un hobby- je préfèrerais cliquer sur des boutons plutôt que lires des pavés imbuvables). Bref, il faut professionnaliser et rajeunir une institution qui n'a pas quatre ans mais qui, faute de mieux, semble vouée à l'obscolescence.



1: pour être honnête on devrait aussi compter David Monniaux et Alithia, mais l'un parle un peu de tout et l'autre surtout de n'importe quoi.

mercredi 19 novembre 2008

C'était comment, avant?

Peuples de la Mer ou "Barbares du Nord", nom donné par les Égyptiens à des envahisseurs indo-européens qui, venus de la mer Égée, déferlèrent sur le Proche-Orient aux XIIIe-XIIe s. av. J.-C. Tous les États furent bouleversés, certains détruits (Empire hittite, Ougarit). Par deux fois, les Égyptiens repoussèrent cette invasion.

C'est ce que j'ai lu ce soir p.1590 du Petit Larousse illustré, édition 1999. L'article équivalent sur Wikipédia, même assez mal écrit, s'y compare favorablement il me semble. En plus on peut cliquer sur certains mots (chose peu pratique sur papier).

Mes parents ont une encyclopédie du même éditeur dont je ne me suis jamais lassé de lire l'entrée sur François Mitterrand: on y apprend qu'il a été candidat à l'élection présidentielle française de 1974.

J'en conclus que lorsqu'on cherchait une information dans une encyclopédie, dans les Temps anciens, on n'avait pas franchement besoin que celle-ci soit exhaustive ou à jour.

lundi 17 novembre 2008

Heilmann, suite

Un article d'hier sur le site du Spiegel nous en dit un peu plus sur l'affaire Heilmann évoquée précédemment: la tentative de censure porte bien sur son passé stasiste, et le bonhomme n'a pas pris la peine de contacter qui que ce soit sur l'encyclopédie avant de sortir l'artillerie lourde.

Sauf que comme dit le dicton "on n'apporte pas un couteau pour un duel au pistolet"1, et la tempête n'a pas l'air de se calmer:

Statistiques de fréquentation de l'article Lutz Heilmann sur la Wikipédia germanophone, novembre 2008.


L'article aura été vu 400 fois plus en deux jours que durant tout le mois d'octobre, et est désormais disponible en treize seize langues (au 17 novembre à 11h 18h).

Statistiques de fréquentation de l'article Lutz Heilmann sur les Wikipédias anglophone, francophone et néerlandophone, novembre 2008.

Sur les versions germanophone et néerlandophone, l'article a d'ores et déjà reçu plus de visites en un week-end que celui sur Joe Biden pendant tout le mois qui a suivi la nomination de ce dernier sur le ticket Obama pour la vice-présidence américaine.

Accessoirement, ça tombe bien que la collecte de dons ait démarré la semaine dernière, car ceux-ci viennent de passer de 3'500 à 16'000 euros/jour pour le chapitre allemand de la Fondation Wikimédia.

Lutz Heilmann a indiqué sur son site personnel qu'il était désolé, qu'il ne souhaitait pas engager d'autres actions en justice, et que l'accès au domaine wikipedia.de devrait être libéré sous peu.


1: et on n'apporte pas un pistolet pour un duel avec Chuck Norris.

dimanche 16 novembre 2008

Il ne fallait pas commencer!

Connaissez-vous Lutz Heilmann? Ce charmant monsieur est membre du Bundestag (Die Linke) et vient de faire ordonner par l'équivalent du Tribunal des référés allemand que l'accès à wikipedia.de soit bloqué. Car voyez-vous Monsieur Heilmann, dans ses jeunes années, a servi dans la Stasi est-allemande, en ce temps pas si lointain où les damnés de la terre surveillaient avec assiduité les forçats de la faim. Monsieur Heilmann a, à vrai dire, été le premier ex-employé de l'ex-sécurité d'État à être élu membre du Bundestag. Un fait rapporté en son temps par le magazine Der Spiegel et, forcément, cité par l'article dédié à l'honorable Bundesmitglied. Sauf que le Spiegel se renouvelle hebdomadairement, qu'une histoire en remplace une autre, alors que l'accès à un sujet documenté sur Wikipédia peut-être renouvelé quotidiennement 2.

Monsieur Heilmann, donc, a pu obtenir des juges de Lübeck -où il a étudié son droit, mais ce n'est qu'une coïncidence- une suspension provisoire (on me dit quatre semaines) de l'accès à l'adresse allemande, le temps que soit trouvé une solution à cette atteinte visible à son honneur1. Car, voyez-vous, tout le monde pourrait tomber sur son article et se rendre compte que sa faucille et son marteau sont un peu tachés.

Problème: l'adresse de.wikipedia.org, sise en Floride, reste accessible. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'en ce qui concerne la discrétion d'un article qu'auparavant moins de 30 personnes voyaient chaque jour, ça rend les tentatives de censure assez contre-productives:

Statistiques de fréquentation de l'article "Lutz Heilmann" sur la wikipédia germanophone, novembre 2008.

Ah oui, et tant qu'à faire, sa notice est désormais disponible en neuf langues (au 16 novembre) contre deux il y a moins d'un mois.



1: Les référés ne jugent pas sur le fond mais ordonnent des mesures suspensives permettant de protéger les intérêts du demandeur.
2: Et c'est à peu près la seule chose dont l'article parle, la mention de la demande de levée d'immunité suite à des menaces proférées contre son ex-compagnon a été supprimée il y a quelques jours déjà.

jeudi 6 novembre 2008

L'Aumône

En allant faire un tour sur les "projets-frères" (Wikibooks, Wikiversité, Wiktionnaire, Wikiquote, Wikispecies, Wikisource, j'espère n'oublie personne), je me suis posé une question toute bête mais quand même vaguement séditieuse: est-il normal qu'aucun d'entre eux n'arbore le bandeau de collecte de fonds?

Est-ce parce qu'ils coûtent moins cher, que leur lecteurs vont forcément sur Wikipédia[réf. nécessaire], ou par simple souci technique?

mardi 4 novembre 2008

Sérendipité

J'utilise souvent Wikipédia dans le cadre de mon travail, histoire d'avoir une idée générale d'un sujet x ou y (ou que j'ai simplement croisé lors d'une lecture et à propos duquel j'aimerais me rafraîchir la mémoire). J'avoue par contre avoir souvent du mal à rester concentré sur ce que je cherche. Voici ce qui m'est arrivé ce matin entre 9h05 et 9h45:

Acide gras insaturé

Retour au boulot.

dimanche 2 novembre 2008

Sacré Karl

L'un des inconvénients des rendez-vous au restaurant, en Suisse, est que si votre invité(e) n'est pas du coin la probabilité est forte qu'un temps de latence s'installe entre votre arrivée (l'heure convenue) et l'arrivée de l'autre convive (celle du "quart d'heure de politesse"). Prévoyez une marge d'avance pour cause d'entorse (le coupable me lit et se reconnaîtra), ajoutez une invitée charmante mais du sud de l'Europe, et l'on se trouve rapidement avec 45 minutes d'intense solitude devant soi: c'est particulièrement difficile d'avoir discrètement l'air de rien quand on est seul, au milieu d'un restaurant bondé, à ne pas manger. Je remercie ici le serveur qui m'aura gratifié d'un regard compréhensif et sous-titré "Ca fait 35 minutes, elle ne viendra plus, allez soit fort et goûte à mon petit Riesling": loser toi-même.

Fort heureusement, dans Son infinie bonté le Seigneur tout-puissant a permis l'invention du Livre de Poche™: rapidement extirpé du manteau où il sommeille, celui-ci permet à l'homme moderne d'être ponctuel et d'avoir l'air détendu à la fois: Vade retro, servitor!

L'opuscule du jour s'intitule "Des sources de la connaissance et de l'ignorance", titre ma foi aussi long que l'ouvrage est court (157 pages avec des caractères assez grands) et son propos compliqué. Cet essai reprend en fait le texte d'une conférence donnée par Karl Popper en 1960 à Londres puis retravaillé par la suite. Si vous ne le connaissiez pas (c'était mon cas) et avez une formation scientifique et/ou wikipédienne, j'ai trouvé que c'était une bonne porte d'entrée dans la pensée du bonhomme, et ce pour un investissement en temps et argent totalement dérisoire.

Popo lit Popper, donc, et tombe p.43 sur cette citation qui, comme qui dirait, fait un peu tilt:
"La doctrine qui affirme le caractère manifeste de la vérité - que celle-ci est visible pour chacun pour peu qu'on veuille la voir- est au fondement de presque toutes les formes du fanatisme. Car seule la dépravation la plus perverse peut faire que l'on refuse de voir la vérité manifeste; seuls ceux qui ont des raisons de craindre la vérité conspirent afin d'en empêcher la manifestation.

Cette doctrine, cependant, ne fait pas qu'engendrer des fanatiques (..), elle peut aussi conduire à l'autoritarisme, même si elle le fait par des voies moins directes que ne le ferait l'épistémologie1 pessismiste. Il en est ainsi parce que, en règle générale, la vérité n'est pas manifeste. Et cette vérité prétendument manifeste demande donc constamment à être produite par interprétation et affirmée, mais aussi à être toujours réinterpétée et réaffirmée. Il faut une autorité qui prescrive et fixe régulièrement ce qui doit etre tenu pour la vérité manifeste.
"
Que ceux qui sur Wikipédia ont eu à subir l'ire d'un tenant de la Vérité ou d'un mandarin autoproclamé lèvent la main. Le Monsieur vient de dire qu'on avait bien raison de s'en méfier.

Bref, une bonne lecture où plein de sujets sont abordés (notamment l'importance et la validité des sources), et que je conseille donc à tout le monde. L'article sur l'auteur n'est pas mal non plus, soit dit en passant.

Karl V. Popper, Des sources de la connaissance et de l'ignorance, Collection Rivages poche / Petite Bibliothèque (#241), 157 p., ISBN 2-7436-0330-5, €7,56 sur fnac.com.



1: Un mot dont j'ai appris dix fois le sens et oublié onze fois la signification.